C’est une déflagration politique : réunie à Voh, l’Union calédonienne a acté son retrait total de l’accord de Bougival. Les lignes de fracture indépendantistes n’ont jamais été aussi profondes.
Une résolution sans appel : rupture avec Bougival, retour aux fondamentaux
Le Comité Directeur de l’Union calédonienne, réuni le samedi 26 juillet 2025 à Webwihoon (Vook), a adopté une résolution d’une sévérité inédite, balayant d’un revers de plume l’accord signé début juillet. À travers une série de considérants lourds de sens, l’UC pointe :
– la contestation du référendum du 12 décembre 2021 ;
– le rôle de l’État colonial dans la crise actuelle ;
– le rejet du PJLC imposé le 13 mai 2024 ;
– le soutien des instances internationales ;
– et surtout, l’incompatibilité de Bougival avec les principes de la décolonisation.
L’UC annonce donc le rejet formel de l’accord, le retrait de mandat de ses signataires, et la relance de l’unité du FLNKS autour de l’Accord de Kanaky, présenté comme le nouveau cadre stratégique. L’Accord de Nouméa est réaffirmé comme plancher politique, et la mobilisation sur le terrain relancée à travers toutes les structures régionales.
Une fracture ouverte entre modérés et radicaux
Ce désaveu brutal jette une lumière crue sur les tensions internes à la mouvance indépendantiste. En première ligne, les figures historiques Emmanuel Tjibaou, Roch Wamytan et Mikaël Forrest voient leur légitimité contestée par une base militante chauffée à blanc, soutenue par la CCAT.
Le comité directeur a tranché : la voie du compromis n’est plus d’actualité. Le texte de Bougival, considéré comme une coquille vide, est accusé de n’offrir que des « attributs de souveraineté de façade », sans perspective réelle d’émancipation.
Les accusations d’avoir trahi la cause kanak pleuvent, et les divisions s’aggravent. Le FLNKS avait déjà enregistré le départ du PALIKA et de l’UPM, favorables à l’accord. Ces derniers continuent pourtant de défendre Bougival comme « une avancée politique majeure », tout comme le RDO, qui affiche sa confiance dans son président signataire. Mais la DUS, la Dynamique autochtone, et une partie du FLNKS canalisé par l’UC rejettent catégoriquement le texte.
Vers un nouveau front international et une relance de la mobilisation
Face à l’échec de Bougival, l’Union calédonienne se repositionne clairement dans une logique de rupture. La résolution votée à Voh donne le ton d’un retour à la lutte active, fondée sur le droit international et la souveraineté des peuples autochtones.
L’UC entend désormais :
– notifier son rejet de l’accord à l’État français et aux partenaires internationaux ;
– intensifier le lobbying à l’ONU et dans la région Pacifique ;
– consolider l’Accord de Kanaky avec des experts en autodétermination ;
– organiser un congrès extraordinaire du FLNKS pour redéfinir la stratégie ;
– mobiliser ses régions pour maintenir une pression constante sur le terrain.
Dans ce contexte explosif, le processus de sortie de l’accord de Nouméa est totalement relancé. Mais à quel prix ? Car ce revirement brutal fragilise la parole politique indépendantiste, alors même que l’économie calédonienne est au bord de la récession. L’ISEE Nouvelle-Calédonie a récemment tiré la sonnette d’alarme : sans stabilité politique, aucun rebond économique n’est possible.
Ce rejet sans nuance de l’accord de Bougival par l’Union calédonienne marque un tournant historique. En assumant la rupture, les radicaux de l’UC reconfigurent la stratégie indépendantiste sur des bases intransigeantes. Mais cette ligne dure pourrait bien accentuer la division, affaiblir la confiance des partenaires économiques et internationaux, et prolonger l’impasse institutionnelle. Dans un pays déjà fracturé, les mots « terres de paroles « , « terre de partage » inscrits sur le fronton du gouvernement semblent aujourd’hui bien lointains.