L’usine métallurgique du Sud change de capitaine. Thibaut Martelin vient d’être nommé président de Prony Resources Nouvelle-Calédonie, dans un contexte de fortes tensions industrielles, financières et politiques. Ce choix marque une volonté de continuité, mais surtout de redressement pour ce site stratégique de la filière nickel.
Un profil d’ingénieur chevronné pour affronter la tempête
C’est un homme du sérail minier qui prend la barre de Prony Resources. Ingénieur de formation, Thibaut Martelin a roulé sa bosse sur plusieurs continents, de la Guyane à l’Afrique de l’Ouest, en passant par la Nouvelle-Calédonie. Après une ascension au sein du groupe Ballande, il a dirigé les mines de la Tontouta avant de devenir directeur général du groupe.
Installé sur le Caillou depuis le début des années 2010, il s’est imposé comme une figure incontournable du secteur industriel local, cumulant les fonctions de dirigeant d’entreprise et de vice-président du Medef-NC. Plus récemment, il a rejoint Promosud, le bras armé économique de la province Sud, fortement impliqué dans le capital de l’usine via la SPMSC.
Redresser une usine fragilisée et renouer le dialogue
Martelin prend les commandes d’un navire en eaux troubles. L’usine de Goro, rebaptisée Prony Resources, reste un dossier brûlant en Nouvelle-Calédonie. En difficulté chronique, le site survit sous perfusion financière. L’État a déjà accordé deux prêts massifs : 16,7 milliards de francs en mars 2024, puis 4,8 milliards supplémentaires en 2025 via le FDES. Malgré ces aides, l’avenir reste incertain.
Sa priorité : relancer l’outil industriel sans provoquer de rupture. Selon le communiqué officiel, il devra « maintenir un dialogue constructif » avec l’ensemble des parties prenantes, en particulier l’État, les institutions locales et les repreneurs potentiels. Parmi ces derniers figure le groupe chypriote-qatari New Battery Metals, toujours en lice pour racheter les 74 % des parts mises en vente.
Dans ce contexte, la nomination de Martelin vise à renforcer la gouvernance, rassurer les partenaires et consolider les efforts engagés pour relancer la production.
Une usine stratégique mais toujours controversée
Depuis sa création, l’usine du Sud n’a jamais connu de véritable stabilité. Retards de construction, contestations environnementales, conflits sociaux à répétition : le projet n’a cessé d’être au cœur des polémiques. Dès les années 2000, les associations ont dénoncé les risques de pollution du lagon Sud, classé au patrimoine mondial, tandis que les élus se sont souvent opposés sur le modèle économique à suivre.
Le complexe industriel a finalement démarré ses activités en 2010, avec une montée en puissance dès 2011, mais sans jamais atteindre les objectifs initiaux. En coulisses, les repreneurs se sont succédé sans réussir à pérenniser la rentabilité du site. En parallèle, la pression sociale s’est intensifiée dans une région où l’emploi dépend fortement de la filière nickel.
Aujourd’hui encore, l’usine reste au cœur de l’équation économique, sociale et environnementale de la province Sud. Sa survie repose désormais sur la capacité du nouveau président à réconcilier les intérêts industriels, les attentes locales et les impératifs écologiques.