Alors que la jeunesse ultramarine paraît globalement moins exposée aux drogues, la Nouvelle-Calédonie fait figure d’exception inquiétante. Les usages explosent, notamment chez les mineurs.
Une jeunesse ultramarine globalement moins exposée… sauf dans le Pacifique
L’enquête ESCAPAD 2023, menée par l’OFDT (Observatoire français des drogues et des tendances addictives) auprès de 2 869 jeunes de 17 ans dans les territoires ultramarins, confirme un constat récurrent : la plupart des jeunes d’Outre-mer consomment moins d’alcool et de tabac que ceux de l’Hexagone. En Guadeloupe, seulement 5 % des adolescents fument tous les jours, contre 15,6 % en métropole. Les mêmes tendances sont observées en Martinique et en Guyane.
Mais les territoires du Pacifique, et tout particulièrement la Nouvelle-Calédonie, s’écartent fortement de cette dynamique. À Nouméa, près d’un quart des jeunes de 17 ans fument quotidiennement (24,6 %) — un chiffre alarmant, largement supérieur à la moyenne nationale. Idem pour l’alcool, dont la consommation régulière atteint 11,2 % en Nouvelle-Calédonie, contre 7,2 % dans l’Hexagone. Les cas d’alcoolisation ponctuelle importante (plus de cinq verres en une soirée) sont également en forte hausse : 30,2 % des jeunes Calédoniens y sont confrontés, plus du double de la moyenne française.
En Polynésie française, les chiffres sont également préoccupants, bien qu’un peu moins élevés. Ces données soulignent une fracture sanitaire persistante entre les adolescents du Pacifique et ceux des autres DOM.
Cannabis et drogues dures : les signaux d’alerte se multiplient
Si l’usage du cannabis baisse en Guadeloupe, Martinique et Guyane, il explose en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à La Réunion. En Calédonie, près d’un tiers des jeunes déclare avoir déjà consommé du cannabis. L’usage régulier y est désormais supérieur à celui de la métropole.
Les représentations erronées du cannabis, perçu comme « naturel » et donc « inoffensif », alimentent une banalisation inquiétante. Cette tendance touche particulièrement les jeunes filles, de plus en plus nombreuses à consommer, selon les données de terrain.
Du côté des autres substances illicites, La Réunion se distingue par un niveau élevé d’expérimentation de cocaïne et d’ecstasy, tandis qu’en Guyane, l’usage de crack concerne 1,3 % des jeunes, soit plus du triple de la moyenne hexagonale.
Les autorités sanitaires tirent la sonnette d’alarme : la dynamique d’usage dans les Outre-mer ne suit pas toujours celle de la métropole, et certains territoires s’enfoncent dans une spirale addictive difficile à enrayer.
La prévention monte au front : la Police nationale en première ligne
Face à ces constats préoccupants, les dispositifs de prévention des addictions montent en puissance. En Nouvelle-Calédonie, la DTPN 988 déploie activement son Policier Formateur Anti-Drogue (PFAD), véritable acteur de terrain dans les lycées.
Dernière intervention en date : une rencontre directe avec les élèves des lycées Lapérouse et Escoffier, pour déconstruire les idées reçues autour de la drogue. Loin des discours culpabilisants, le PFAD engage le dialogue avec les jeunes sur des thématiques concrètes : santé mentale, prise de risque, rapport à la loi.
Objectif : retarder la première consommation ou provoquer une prise de conscience chez ceux déjà concernés.
Ces séances donnent lieu à des échanges percutants, où les jeunes eux-mêmes finissent par formuler les meilleures raisons de ne pas consommer. Le discours est volontairement pragmatique, axé sur les conséquences sociales, scolaires et juridiques.
Dans le prolongement de ces actions, une campagne inédite de l’ASSNC a été lancée fin juillet, spécifiquement axée sur les effets du cannabis sur le cerveau des adolescents, la dépendance et l’impact sur les parcours de vie. Les familles et professionnels de santé sont également ciblés, pour mieux repérer et accompagner les jeunes en difficulté.
Alors que les Outre-mer ne forment pas un bloc homogène en matière d’addictions, la situation en Nouvelle-Calédonie se distingue par sa gravité.
Face à l’urgence, les autorités doivent renforcer leur action, en misant sur la prévention ciblée, le dialogue direct, et l’implication des familles.
C’est à ce prix que l’on pourra inverser la tendance, et offrir aux jeunes Calédoniens un avenir libéré de l’emprise des substances psychoactives.