Dans la vallée de la Houé, à Farino, une attaque de chiens errants a coûté la vie à un Cagou. Un second oiseau emblématique a été secouru in extremis.
Les chiens errants, premiers prédateurs du Cagou
C’est un drame de plus pour le Cagou, cet oiseau emblématique de Nouvelle-Calédonie, incapable de voler et hautement vulnérable face aux prédateurs introduits. Le vendredi 1ᵉʳ juillet 2025, des propriétaires terriens de la vallée de la Houé, à Farino, ont contacté en urgence la Société calédonienne d’ornithologie (SCO) : deux Cagous venaient d’être attaqués par des chiens errants.
Le bilan est sans appel : un oiseau tué, un autre grièvement blessé, recueilli d’abord par les habitants avant d’être pris en charge par les gardes nature de la province Sud et transféré à Nouméa pour soins. Si l’intervention rapide a permis d’éviter un carnage, ce type d’attaque se multiplie.
Les chiens représentent aujourd’hui la principale menace pour le Cagou. Une seule incursion dans un territoire occupé par cet oiseau suffit à anéantir toute une population locale. Ce prédateur n’existait pas dans l’écosystème calédonien avant l’arrivée de l’homme, et le Cagou n’a jamais appris à s’en méfier : il n’a ni griffes, ni ailes fonctionnelles, ni instinct de fuite.
Errance, divagation : des responsabilités humaines
L’épisode de Farino relance un débat bien connu : celui de la distinction entre chien errant et chien divagant. Le premier est sans propriétaire, souvent abandonné. Le second a un maître, mais circule librement, sans surveillance, parfois en pleine brousse.
Dans les deux cas, le danger est le même pour la biodiversité : agressions, prédation, transmission de maladies, mise en danger du chien lui-même. Et dans tous les cas, la responsabilité incombe au maître. Légalement, un chien divagant reste sous la responsabilité de son propriétaire, qui peut être tenu civilement ou pénalement responsable en cas de dommages causés.
Laisser son chien vagabonder en zone naturelle, c’est risquer de le transformer en tueur de Cagous. Une réalité qui impose une vigilance stricte dans les zones rurales, notamment autour des villages ou des tribus proches d’espaces boisés.
Protéger le Cagou, un combat collectif
Le Cagou n’est pas qu’un symbole sur les billets ou les maillots : c’est une espèce unique au monde, classée en danger par l’UICN (Union international pour la conservation de la nature) et strictement protégée depuis 1977 par une loi calédonienne. Inscrit à la Convention de Washington, il bénéficie de mesures de conservation intenses depuis plusieurs décennies.
Grâce aux programmes de réintroduction et de lutte contre les prédateurs, la population de Cagous a connu un rebond remarquable : de quelques centaines dans les années 1980 à près de 3 000 individus aujourd’hui. Le parc provincial de la Rivière Bleue, dans le Sud, illustre cette réussite : on est passé d’une soixantaine d’individus à plusieurs milliers.
Mais cette croissance reste fragile. Les zones de saturation limitent les possibilités de relâcher de nouveaux oiseaux. Il faut connaître les familles déjà installées et éviter les conflits territoriaux. Et surtout, en dehors des parcs sécurisés, le Cagou est encore en grand danger.
Les chiens sont les prédateurs ultimes, même pour les adultes. D’autres espèces menacent œufs et poussins (chats, cochons, fourmis électriques), mais les attaques de chiens sont les plus meurtrières. Il est donc urgent de renforcer la sensibilisation auprès des propriétaires de chiens, particulièrement dans les zones rurales.
L’affaire de Farino est un électrochoc nécessaire. Le sort du Cagou ne dépend pas uniquement des associations ou des autorités, mais de chaque Calédonien. Ne pas laisser divaguer son chien, c’est protéger une espèce unique au monde, notre patrimoine vivant. Car à chaque attaque évitée, c’est un peu de notre identité que nous sauvons.