Le Gouvernement muscle l’autorité des préfets sur le terrain. Objectif : une action publique territoriale plus lisible, plus proche et plus cohérente.
Le préfet, chef d’orchestre de l’action de l’État dans les territoires
La réforme, entérinée fin juillet 2025, marque un tournant majeur dans la refondation de l’État local. En modifiant le décret du 29 avril 2004, le pouvoir exécutif entend remettre de l’ordre dans une architecture administrative devenue illisible. Dans un contexte de déconcentration inaboutie, le préfet se voit réaffirmé dans son rôle de pilote stratégique de l’action publique territoriale.
Le décret n° 2025-723 renforce les prérogatives managériales du représentant de l’État : il participe désormais activement à la nomination, à la définition des objectifs et à l’évaluation des chefs de service déconcentrés, y compris ceux qui n’étaient pas directement sous son autorité hiérarchique jusqu’ici. Il devient ainsi un acteur clé du pilotage RH territorial, levier essentiel pour adapter l’administration aux réalités locales.
Le texte généralise aussi son rôle de délégué territorial des opérateurs de l’État, dès lors que leurs missions ont une dimension locale. Il pourra émettre des directives d’action, demander un réexamen des décisions impactantes ou suspendre leur mise en œuvre. Le préfet devient ainsi le garant d’une ligne politique cohérente, au plus près des territoires.
Vers une meilleure cohérence territoriale et une souplesse réglementaire accrue
Le second texte publié, le décret n° 2025-724, étend quant à lui le pouvoir de dérogation préfectoral. Créé en 2020 mais limité à sept domaines, ce pouvoir est désormais généralisé à l’ensemble des matières administratives. Concrètement, le préfet pourra adapter les normes réglementaires aux spécificités locales, pour mieux répondre aux besoins du terrain.
Cette nouvelle souplesse s’applique aussi à l’organisation des services publics : carte scolaire, offre de soins, réseau des finances publiques… leur évolution devra désormais faire l’objet d’un avis préalable du préfet. L’enjeu est clair : sortir de la verticalité parisienne pour territorialiser la décision publique, en rendant l’administration plus réactive, plus lisible et plus proche des citoyens.
Le texte prévoit également une fongibilité accrue des subventions publiques, sous l’autorité du préfet. Ce dernier pourra désormais redéployer les financements pour soutenir des projets d’intérêt local majeur, sans attendre les arbitrages ministériels. Une mesure attendue de longue date par les élus locaux, confrontés à la lourdeur bureaucratique des circuits budgétaires classiques.
Une réponse à la fragmentation administrative et à la demande d’efficacité
Au fil des années, la multiplication des opérateurs de l’État et la succession des réformes territoriales ont généré une perte de lisibilité de l’action publique. Les citoyens peinent à identifier leurs interlocuteurs, les élus se plaignent d’un État qui parle à plusieurs voix, et les services sur le terrain manquent de coordination. Cette réforme vise à corriger ces dérives, en redonnant un rôle central au préfet, garant de l’unité de l’action publique.
Les nouveaux textes traduisent ainsi les orientations du Président de la République, exprimées en mars 2024 lors de la conférence managériale de l’État, et reprises par le Premier ministre en février 2025. Tous deux ont constaté que l’efficacité de l’administration souffrait de la complexité de ses canaux décisionnels. La réforme entend restaurer une chaîne de commandement claire, au service de l’intérêt général.
Elle s’inscrit aussi dans une volonté de renforcer le lien entre l’État et les territoires, dix ans après l’adoption de la Charte de la déconcentration. Car si le préfet est bien le seul haut fonctionnaire inscrit dans la Constitution, ses marges de manœuvre étaient devenues trop étroites pour qu’il exerce pleinement sa mission.
En lui rendant ses leviers, l’État choisit la clarté, la proximité et la réactivité. Il assume aussi une nouvelle philosophie administrative : faire confiance au terrain pour répondre aux attentes des citoyens.