Aides sociales, baisses d’impôts, gel des avancements : décryptage sans langue de bois du plan gouvernemental pour sauver l’économie calédonienne.
L’urgence budgétaire face à une économie en panne
Le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a annoncé une série de mesures drastiques visant à rétablir les comptes publics et relancer une économie à bout de souffle. À la manœuvre, syndicats, exécutif local et représentants de l’État s’accordent sur un point : l’heure n’est plus aux demi-mesures. Face à un déficit abyssal et à une croissance anémique, l’heure est au recentrage.
Au cœur du dispositif, un objectif chiffré : réaliser 20 à 25 milliards d’économies dans les trois prochaines années, soit la moitié de l’effort jugé nécessaire pour atteindre l’équilibre budgétaire. Cette première phase s’inscrit dans un schéma plus large de redressement sur sept ans. Une stratégie ambitieuse, certes, mais qui soulève déjà de nombreuses interrogations sur sa soutenabilité politique et sociale.
Et les syndicats ne cachent pas leurs réserves sur la méthode imposée : la rapidité d’exécution sur trois ans contraste avec les délais accordés à l’État pour son propre redressement budgétaire. Un déséquilibre dénoncé par plusieurs partenaires sociaux, inquiets de devoir assumer seuls les sacrifices.
Fonction publique, retraites : les lignes rouges syndicales
Les réformes engagées ne se limitent pas aux dépenses générales. La fonction publique est clairement dans le viseur. Le gouvernement propose un gel des avancements à partir de 2026 ainsi que la généralisation du jour de carence, déjà en vigueur depuis le début de l’année. Deux mesures perçues comme symboliquement fortes, mais socialement explosives.
Certaines organisations syndicales affirment avoir plaidé pour une alternative temporaire : une taxe ciblée sur les salaires des agents publics plutôt qu’un gel des carrières. Mais cette option a été écartée, signe que l’exécutif mise davantage sur des économies structurelles que sur des contributions solidaires exceptionnelles.
Par ailleurs, l’un des sujets les plus brûlants reste celui des retraites du secteur privé, gérées par la CAFAT. L’horizon de viabilité du système est jugé critique, avec moins d’un an de marge. Des mesures urgentes sont attendues, mais pour l’instant, les contours restent flous et les solutions en discussion.
Emploi et relance : une stratégie à double vitesse
Le gouvernement a également présenté deux dispositifs pour favoriser le retour à l’emploi et sortir du cycle délétère du chômage partiel. L’allocation exceptionnelle de maintien dans l’emploi, récemment votée au Congrès, en est la pierre angulaire. Cette aide, destinée à 4000 salariés, permet de garantir un revenu aux travailleurs tout en allégeant les charges des entreprises pendant six mois.
Son coût, estimé à trois milliards de francs CFP, sera financé par les reliquats du prêt garanti par l’État. C’est une bouffée d’oxygène temporaire pour les employeurs, mais qui ne répond pas à la totalité de la casse sociale enregistrée depuis les exactions : plus de 11 000 emplois ont été supprimés.
Autre mesure notable : la baisse ciblée de l’impôt sur les sociétés, qui bénéficiera principalement aux nouvelles entreprises. Inspirée du modèle tahitien, cette exonération fiscale sur trois ans vise à inciter la création d’activité. Elle pourrait s’avérer décisive, mais le scepticisme persiste du côté syndical, pour qui l’effet d’aubaine ne doit pas supplanter l’impact réel sur l’emploi durable.
Dialogue social et méthode Durieux : une dernière chance ?
Alors que les travaux de la mission interministérielle doivent débuter à la mi-août sous la direction de Claire Durrieu, les syndicats espèrent pouvoir peser sur les décisions finales. Mais pour rappel, le Congrès aura le dernier mot, et les lignes pourront encore bouger avant toute validation politique.
L’enjeu est clair : il ne s’agit plus de discuter pour discuter, mais de bâtir une méthode partagée et opérationnelle. Selon les syndicats, ce qui a manqué jusqu’ici, ce sont moins les intentions que la clarté sur les arbitrages. Ils réclament un pilotage lisible, une concertation continue et des résultats visibles avant 2026.
Vers une reconstruction à quitte ou double
Ce plan gouvernemental marque un tournant dans la gouvernance économique calédonienne. Il acte une série de réformes structurelles jamais vues sur le Caillou depuis les années 1990. Gel des carrières, baisse d’impôt ciblée, coupes sociales, aides à l’embauche : tout y passe, dans une logique d’assainissement qui veut conjuguer rigueur et relance.
Mais l’équilibre est fragile. Trop de réformes mal expliquées, trop vite appliquées, pourraient fracturer encore davantage une société déjà exsangue. Et l’absence d’une vraie relance économique, dès 2025, pourrait rendre ces sacrifices socialement intenables.
La balle est désormais dans le camp des acteurs sociaux et du Congrès. La reconstruction est lancée. Reste à savoir si elle tiendra ses promesses… ou si elle s’écrasera contre le mur des réalités locales.