Le système de santé calédonien est à l’agonie. Fuite massive des professionnels, maltraitance institutionnelle, insécurité grandissante : le territoire affronte une crise sanitaire sans précédent. La province Sud tente d’éteindre l’incendie.
La fuite des soignants se poursuit, malgré les alertes
L’exode des soignants n’est pas un phénomène ponctuel. Il s’aggrave. Après les départs précipités de 2023 et 2024, les professionnels de santé enracinés quittent désormais la Nouvelle-Calédonie, désillusionnés et épuisés.
Les causes ? Un management toxique, un mépris institutionnel et un climat d’insécurité permanent.
Une étude menée en 2024 avec la Fédération des professionnels de santé (FPLS) révèle qu’un tiers des soignants souffre de traumatismes post-émeutes, aggravés par des conditions de travail dignes du XIXᵉ siècle. Burn-out, démissions, ruptures d’activité : la santé publique vacille.
40 % des lits hospitaliers sont fermés, les blocs opératoires tournent au ralenti, les urgences débordent. Les infirmières libérales, isolées sur le terrain, sont devenues des cibles. Le traumatisme est tel que certaines cessent brutalement leur activité, laissant des patients sans recours. Et pendant ce temps, les institutions ne changent pas de cap.
Insécurité, agressions, abandon : les soignants en première ligne
Infirmières agressées, cabinets médicaux incendiés, tournées sous tension : les soignants calédoniens sont exposés quotidiennement à la violence.
Le métier d’infirmière libérale, en particulier, est devenu un parcours du combattant. Circuits répétitifs, travail isolé, absence de protection réelle : elles sont des cibles faciles.
En réponse, une convention de sécurité a été signée entre l’État, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, la gendarmerie, la police nationale et les syndicats de santé.
Au programme :
- Référents policiers dédiés,
- Créneaux sécurisés pour les dépôts de plainte,
- Interventions renforcées sur demande.
Mais ces efforts, aussi nécessaires soient-ils, restent insuffisants face à une dégradation généralisée du climat social. Les soignants dénoncent une ambiance anxiogène, où l’insécurité n’est plus exceptionnelle mais quotidienne, jusque dans les quartiers de Nouméa.
Et les incivilités ne viennent pas toujours de l’extérieur : la maltraitance institutionnelle fait des ravages silencieux.
La province Sud en action, l’État et le Congrès à la traîne
Face à cette hémorragie, la province Sud est la seule à avoir pris des mesures concrètes et continues depuis 2022.
Elle a mis en place :
- des aides à l’installation en zones carencées,
- des aides à l’équipement élargies à tous les paramédicaux (infirmiers, kinés, orthophonistes),
- des packs d’attractivité (primes + billets d’avion),
- un projet pilote à l’Île des Pins pour élargir les compétences infirmières.
Résultat : 7 professionnels ont récemment accepté de s’installer via ces dispositifs. Un début encourageant mais insuffisant pour inverser la tendance.
En revanche, au niveau du Congrès et du gouvernement calédonien, le constat est accablant :
- Un texte de loi récent, mal accueilli par tous les syndicats, est qualifié de « confetti de mesures »
- Aucune concertation réelle avec les professionnels
- Des décisions jugées violentes et contre-productives
Les soignants ne demandent pas seulement des primes. Ils veulent du respect, des perspectives d’évolution, un système clair et soutenable.
La situation en Nouvelle-Calédonie ne relève plus de la simple tension, mais de l’urgence vitale.
Sans professionnels, il n’y a plus de soins. Sans soins, il n’y a plus de pays.
Les efforts de la province Sud montrent qu’il est possible d’agir. Mais la reconstruction passe aussi par un changement radical de méthode, un respect retrouvé, et une vision claire de l’avenir.
Il ne s’agit plus seulement d’éviter l’effondrement. Il s’agit de reconstruire un système de santé capable de soigner tous les Calédoniens, sans sacrifier ceux qui le font vivre.