Fin brutale du règne de Louis XVI, début de la Terreur : Paris s’embrase et les Tuileries deviennent un champ de massacre.
Paris prêt à en découdre
Depuis la fuite de Varennes, en 1791, le roi et sa famille vivent sous haute surveillance dans le palais des Tuileries, à l’ombre du Louvre. Leurs déplacements sont contrôlés, leurs gestes scrutés, leur liberté anéantie. Aux yeux des révolutionnaires, Louis XVI n’est plus un monarque constitutionnel, mais un suspect permanent, accusé de trahison.
Le contexte est explosif. La France est en guerre contre l’Autriche et la Prusse. Les premières défaites militaires font douter de la loyauté du roi. Le manifeste de Brunswick, daté du 25 juillet 1792, met le feu aux poudres : ce texte menace Paris de destruction si le moindre mal est fait au roi et à sa famille. Aux yeux des Parisiens, cette intimidation prouve la complicité de Louis XVI avec les ennemis de la Nation.
Les sections révolutionnaires de la capitale, soutenues par la Commune insurrectionnelle et par des contingents venus de province, préparent une nouvelle « journée révolutionnaire ». Dans la nuit du 9 au 10 août, le tocsin résonne dans Paris, appelant à l’insurrection. Les fédérés bretons et marseillais rejoignent les sans-culottes autour des Tuileries. L’aube se lève sur une capitale en état de siège.
Le face-à-face avec la foule
Les Tuileries sont défendues par 900 Gardes suisses, soldats professionnels loyaux à la Couronne, et quelques centaines de gardes nationaux, plus hésitants. Louis XVI passe ses troupes en revue. Les Suisses crient « Vive le roi ! », tandis que les artilleurs et le bataillon de la Croix-Rouge lancent « Vive la Nation ! ». La fracture est visible, le drame inévitable.
Sur les terrasses du palais, le roi aperçoit la foule amassée. Les insultes fusent : « À bas le veto ! », « À bas le gros cochon ! ». Comprenant que la situation lui échappe, Louis XVI, suivi de Marie-Antoinette et du dauphin, quitte précipitamment le palais pour chercher refuge auprès de l’Assemblée législative.
Dans la cour, la tension explose. Une porte mal fermée cède. Des sans-culottes s’engouffrent. Les Suisses ouvrent le feu, provoquant une panique qui repousse la foule vers la place du Carrousel. Pendant un instant, les défenseurs pensent avoir sauvé la situation. Mais les assaillants reviennent, plus nombreux, plus déterminés.
L’assaut final
Vers 10 heures, un détachement de Marseillais pénètre dans le palais. Le combat reprend avec une intensité terrible. Les balles sifflent, les corps tombent, le sang coule dans les escaliers et les couloirs.
Craignant un bain de sang encore plus grand, Louis XVI griffonne un billet ordonnant à ses Suisses de déposer les armes et de regagner leurs casernes. Obéissants, ils quittent les lieux… pour tomber dans un guet-apens. Encadrés par la foule, ils sont désarmés, conduits à l’Hôtel de Ville, puis massacrés sans pitié.
Les cadavres sont mutilés, parfois démembrés, sous les cris hystériques des poissardes des Halles. À l’intérieur des Tuileries, la chasse à l’ennemi social continue. Aristocrates, serviteurs, simples fidèles du roi : personne n’est épargné. Le bilan est effroyable : environ 600 Gardes suisses et 200 partisans du roi perdent la vie dans cette journée de folie.
Un pouvoir renversé
La victoire des insurgés change la donne politique. L’Assemblée législative, jusque-là prudente, suspend le roi de ses fonctions. Elle convoque une Convention nationale pour redéfinir les institutions et annonce, pour la première fois en France, le suffrage universel masculin. Les distinctions entre citoyens actifs et passifs sont abolies.
Le 13 août 1792, la famille royale est transférée sous forte escorte au donjon du Temple, une prison austère où elle restera jusqu’à la chute finale. Louis XVI ne reverra jamais les Tuileries.
Le 21 septembre, lors de sa première séance, la Convention proclame l’abolition de la monarchie. La France devient officiellement une République. Mais la liesse est de courte durée : les divisions internes et la guerre extérieure ouvrent la voie à la Terreur.
Le 10 août 1792 reste l’un des moments les plus sombres et les plus décisifs de la Révolution française. En quelques heures, la monarchie millénaire qui avait bâti la France par les armes, la diplomatie et les alliances s’effondre dans un bain de sang.
Pour les révolutionnaires, c’est une victoire du peuple sur la tyrannie. Pour les monarchistes, c’est un acte de barbarie annonçant l’anarchie. L’histoire retiendra que, ce jour-là, la raison politique a cédé à la violence, et que la France a troqué un roi pour la guillotine.