À la veille de la foire de Bourail, l’un des rendez-vous les plus attendus de la brousse, le secteur agricole et de l’élevage calédonien se trouve à un tournant. Conjoncture économique fragile, baisse du pouvoir d’achat, filières porcines sous tension… mais aussi projets ambitieux vers l’exportation. L’OCEF se mobilise pour défendre les producteurs locaux et maintenir un cap dans une mer agitée.
Un rendez-vous stratégique pour les professionnels de la brousse
La foire de Bourail n’est pas qu’une fête rurale : c’est une vitrine et un espace d’affaires incontournable. Concours, ventes aux enchères de carcasses, expositions de produits transformés : toute la chaîne, de l’élevage à l’assiette, est représentée. Pour les bouchers, artisans et éleveurs, c’est aussi l’occasion de valoriser des années de travail.
Mais derrière la convivialité se cache une réalité plus rude : la filière bovine et porcine, pilier de la brousse, subit de plein fouet la contraction de la demande. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : une chute de plus de 20 % du marché depuis le début de l’année, touchant directement le revenu des exploitations.
Témoignage de Marie, éleveuse
La foire de Bourail, pour nous, ce n’est pas juste une fête. C’est l’un des rares moments où on peut montrer notre travail, discuter directement avec les consommateurs et sentir qu’on n’est pas oubliés. Cette année, on a dû réduire nos droits à produire à cause de la baisse des ventes… et ça, c’est dur à encaisser après des années passées à élever des bêtes dans de bonnes conditions.
J’espère que les Calédoniens viendront nombreux ce week-end, pas seulement pour se promener, mais aussi pour acheter local. Chaque kilo de viande ou de légumes acheté sur place, c’est un geste concret pour nous aider à passer cette crise. On a besoin de sentir ce soutien, parce qu’on sait que la route sera encore longue avant un vrai retour à la normale.
Crise de consommation et marges étouffantes
La baisse du pouvoir d’achat à Nouméa pèse lourd sur la consommation de viande et de produits agricoles. Dans ce contexte, la question de la répartition des marges revient sur la table. Entre le prix payé au producteur et celui affiché en rayon, l’écart reste souvent disproportionné.
Selon l’OCEF, certains intermédiaires gonflent les prix au détriment des consommateurs et des producteurs. Des opérations promotionnelles sont prévues, notamment sur la pomme de terre et le veau, mais elles ne suffiront pas sans une mobilisation de tous les acteurs de la filière.
L’exportation, bouée de sauvetage vers le Pacifique
Face à la contraction du marché intérieur, l’OCEF mise sur l’export. La première cargaison de viande calédonienne six tonnes et demie de veau, bœuf et cerf partira pour la Polynésie française début septembre. Wallis-et-Futuna et le Vanuatu sont également dans la ligne de mire.
Objectif : compenser la baisse locale par des marchés de niche à forte valeur ajoutée. Si ces volumes restent modestes, ils pourraient constituer une base solide pour une filière export régulière et pérenne.
Témoignage de Jean-Pierre, habitant de Nouméa
Chaque année, je viens à la foire de Bourail avec ma famille. C’est l’occasion de passer un bon moment, mais aussi de remplir le coffre avec de la viande, des légumes et du miel local. Je sais que c’est plus cher que certains produits importés, mais au moins, je sais d’où ça vient et comment c’est produit.
Avec la vie chère, c’est vrai qu’on regarde nos dépenses. Mais je préfère mettre un peu plus pour soutenir nos éleveurs et nos agriculteurs. On a vu pendant le Covid à quel point on était dépendants de l’extérieur. Si on ne fait pas vivre nos producteurs aujourd’hui, demain il n’y aura plus grand-chose de calédonien dans nos assiettes.
Une reconnaissance nationale à saisir
La venue du commissaire général du Concours agricole de Paris, Olivier Allemand, est perçue comme un signal fort. La qualité des produits calédoniens, miel, vanille, viandes est reconnue, mais encore trop peu représentée dans les grands concours nationaux. L’enjeu est désormais de préparer la présence calédonienne au Salon de l’agriculture 2026, pour ouvrir des débouchés au-delà des frontières du Caillou.
Témoignage de Thomas, boucher en Brousse
Travailler avec de la viande locale, c’est une fierté et une garantie de qualité pour mes clients. Mais depuis un an, je vois clairement que les ventes reculent. Les gens viennent toujours, mais ils achètent moins, ou des morceaux moins chers.
La foire de Bourail, c’est aussi pour nous, les bouchers, l’occasion de montrer que la filière calédonienne produit des bêtes magnifiques. Aux enchères, on se bat pour obtenir les meilleures carcasses, parce que derrière, c’est aussi notre image qui se joue. Si on veut garder cette qualité, il faut que toute la chaîne soit respectée, du producteur au consommateur, en passant par nous.
Un appel au soutien des Calédoniens
Acheter local, c’est soutenir l’économie et garantir la sécurité alimentaire. Les crises récentes, du Covid aux tensions maritimes, ont rappelé la fragilité des importations. Les éleveurs, souvent invisibles dans le débat public, travaillent sans relâche pour nourrir la population. La foire de Bourail, au-delà de son ambiance festive, est donc un acte de solidarité économique et morale.
La foire de Bourail 2025 ne sera pas seulement un événement festif : c’est un test grandeur nature pour un secteur en difficulté. Si les exportations peuvent apporter une respiration, la clé reste dans la consommation locale et une meilleure répartition des marges. Soutenir les producteurs calédoniens, c’est investir dans l’autonomie alimentaire et la résilience économique du territoire.