Air Calédonie traverse l’une des pires crises de son histoire. Entre vente d’appareils, pertes financières et réformes impopulaires, l’exécutif local sort du bois. Ce lundi 18 août, le président du gouvernement Alcide Ponga entame une tournée de pédagogie aux îles Loyauté et à l’île des Pins. Objectif : expliquer les grands chantiers du transport aérien, secteur vital mais fragilisé depuis le Covid et les émeutes de mai 2024.
Air Calédonie, une compagnie en état d’urgence
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : déficit structurel, mise en location en urgence d’un ATR, mise en vente d’un autre modèle 72, pour tenter de renflouer les caisses. La compagnie domestique, longtemps considérée comme un pilier de la mobilité des Calédoniens, est aujourd’hui au bord de l’agonie. Le président du gouvernement l’a reconnu devant le Congrès en juin : Aircal ne survivra pas sans un plan de restructuration profond.
Le projet de déménagement des vols domestiques de Magenta vers Tontouta en fait partie. Décidé puis repoussé, il est désormais annoncé comme progressif et concerté. Alcide Ponga insiste : ce regroupement est essentiel pour rationaliser les infrastructures et réduire les coûts d’exploitation. Les synergies entre Air Calédonie et Aircalin doivent permettre de bâtir un pôle d’excellence aéronautique et de sécuriser l’avenir du secteur.
Mais sur le terrain, l’annonce reste sensible. À Lifou, Maré, Ouvéa comme à l’île des Pins, les usagers redoutent un éloignement du service et des contraintes supplémentaires. La tournée du président du gouvernement, vise donc à désamorcer les inquiétudes.
La continuité territoriale, nerf de la cohésion
Autre dossier explosif : la réforme de la continuité territoriale, adoptée fin juillet au Congrès. Jusqu’ici, la mesure permettait à des milliers d’habitants d’obtenir des billets subventionnés. En 2023, elle a représenté 760 millions de francs, soit 33 538 bénéficiaires. Or, ces chiffres dépassaient largement la population permanente des îles (21 000 habitants environ), preuve d’un système jugé trop permissif.
Désormais, seuls les résidents permanents sont éligibles, et le quota de trajets passe de 26 à 12 allers simples par an. Autant dire une révolution pour les familles, les étudiants ou les malades qui comptaient sur ce dispositif. Pour l’exécutif, il fallait « mettre fin aux abus » et ramener la mesure à son esprit initial : assurer l’égalité d’accès, sans transformer l’aide en supermarché de billets bon marché.
Face à ces restrictions, la colère monte. Dans les îles, beaucoup dénoncent une recentralisation et un coup porté à leur mobilité. Là encore, la mission de Ponga sera de défendre le réalisme budgétaire et de convaincre que l’avenir d’Aircal passe par un effort partagé.
Tontouta, pari risqué mais incontournable
Au cœur de la réforme : le transfert vers Tontouta. Si l’aéroport de Magenta, enclavé en plein Nouméa, a longtemps suffi, ses contraintes techniques sont devenues insurmontables. Pistes courtes, saturation, surcoûts d’exploitation : Aircal ne peut plus y survivre. Le regroupement à Tontouta, plateforme moderne et interconnectée avec l’international, doit améliorer la qualité de service, fluidifier les correspondances et renforcer la viabilité économique de la compagnie.
Un groupe de travail réunissant partenaires institutionnels, économiques et sociaux planche déjà sur le projet. Mais la transition inquiète. Pour les habitants des îles, Nouméa reste la destination naturelle, alors que Tontouta se situe à plus de 50 kilomètres. Des aménagements routiers et des compensations devront accompagner le basculement.
Alcide Ponga, en véritable pédagogue politique, veut rappeler que ce pari logistique est aussi un choix de survie. Sans mutualisation des infrastructures, sans rationalisation des coûts, Aircal ne sera plus en mesure d’assurer sa mission de service public.
Entre la colère des usagers et l’impératif de survie économique, le chef de l’exécutif mise sur une conviction simple : sans réforme, Aircal meurt.