Derrière les stands de marché, les paillotes de plage ou les activités touristiques sur le front de mer, se cache une réalité juridique souvent méconnue : celle de l’autorisation d’occupation temporaire (AOT). En Nouvelle-Calédonie, comme ailleurs, occuper le domaine public n’est jamais un acquis, mais une tolérance fragile, révocable à tout moment. Rappelons les principes, les dérives et les risques qui entourent ce dispositif central.
Le domaine public, une richesse commune inaliénable
Le droit administratif est clair : le domaine public est inaliénable, incessible et imprescriptible. Routes, places, rivages ou bâtiments collectifs ne peuvent pas être vendus ni appropriés par des particuliers. Une commune, une province ou l’État peut prêter temporairement son usage, mais jamais céder son bien.
Cette règle fondamentale protège l’intérêt général. Mais elle ouvre aussi la porte à des tensions, car la collectivité reste propriétaire et peut reprendre son bien du jour au lendemain.
L’AOT : une faveur précaire, pas un droit
L’AOT n’est pas un bail : c’est une simple autorisation accordée par la collectivité, souvent contre redevance, parfois gratuitement. Elle peut être retirée à tout moment si l’intérêt général l’exige. C’est là le piège : un restaurateur, un loueur de kayaks ou un organisateur d’évènements peut investir lourdement dans un site… et tout perdre du jour au lendemain si la collectivité décide de mettre fin à l’autorisation.
En pratique, certains acteurs économiques calédoniens s’habituent à transformer le « temporaire » en « permanent ». Mais ce n’est qu’une illusion juridique. Aucun droit acquis n’existe.
Égalité et contentieux : la bataille des emplacements
Attribuer une AOT n’est pas une faveur discrétionnaire : le principe d’égalité impose que chaque candidat soit traité de la même manière. Dans les faits, les emplacements les plus stratégiques (marchés, zones touristiques, front de mer) peuvent susciter jalousies, contestations et recours en justice.
Les riverains peuvent également contester, par exemple en cas de nuisances sonores ou de saturation de stationnement. Dans ce cas, les arguments de droit privé (trouble du voisinage) se mêlent au droit administratif. Résultat : des litiges complexes où chacun cherche à défendre son intérêt.
Une sécurité juridique à renforcer
Pour sécuriser leurs investissements, les porteurs de projet peuvent demander une convention d’occupation temporaire, plus détaillée, voire un bail emphytéotique pouvant durer jusqu’à 99 ans. Mais même là, la collectivité garde la main. Le domaine public reste un bien collectif, et la précarité du droit d’usage demeure.
En Nouvelle-Calédonie, où l’économie touristique et commerciale repose souvent sur ces autorisations, le rappel de Maître Dupuy sonne comme un avertissement : sans cadre clair, l’AOT peut se transformer en bombe à retardement juridique.
Derrière l’apparente simplicité d’une occupation du domaine public se cache un droit d’une extrême rigidité. Qu’il s’agisse de vendeurs de plage, de marchés ou d’activités touristiques, l’AOT reste une tolérance fragile : elle peut être retirée à tout moment. Dans un contexte calédonien marqué par l’habitude et la coutume, cette règle de droit impose de rappeler une évidence : le domaine public appartient à tous, et non à ceux qui l’occupent. Un principe à méditer avant d’investir.Domaine public : inaliénable, incessible, imprescriptible, soumis à AOT.