Un matin d’été, Paris se réveille avec un choc. Le chef-d’œuvre de Léonard de Vinci a disparu du Louvre.
Le 22 août 1911, la France se retrouve au cœur d’un scandale mondial. Un vitrier italien, Vincenzo Peruggia, a réussi l’impensable : s’emparer de la Joconde, le plus mystérieux sourire de l’histoire de l’art. Ce vol rocambolesque bouleverse la République, met en accusation l’organisation du Louvre et fait basculer le destin du tableau.
Une enquête qui piétine et des suspects prestigieux
Le Quai des Orfèvres déploie soixante policiers, le criminologue Bertillon multiplie les relevés d’empreintes. En vain. Le juge Joseph-Marie Drioux, surnommé « le marri de la Joconde », cherche désespérément des coupables.
L’enquête prend une tournure ubuesque. Guillaume Apollinaire est emprisonné quelques jours, Pablo Picasso est interrogé. La presse s’enflamme, les rumeurs explosent : complot allemand, main juive, commanditaire secret. Tout est envisagé sauf la vérité. Pendant ce temps, le voleur, invisible aux yeux de tous, mène une vie banale dans le 10ème arrondissement de Paris.
Sous son lit, il cache tranquillement le chef-d’œuvre. Pendant plus de deux ans, La Joconde devient son hôte clandestine. L’Italie gronde, la France s’indigne, et le monde retient son souffle. Chaque jour, les journaux publient des hypothèses folles.
Ce n’est qu’en décembre 1913 que l’affaire se dénoue. En voulant vendre le tableau à Florence, Peruggia tombe dans un piège tendu par un antiquaire et le directeur des Offices. L’œuvre est authentifiée, la police alertée, et le voleur aussitôt arrêté.
Un patriotisme romantique ou un coup de génie ?
Lors de son procès, Peruggia se défend : il n’était pas un voleur, mais un patriote. Selon lui, la Joconde devait revenir à son pays d’origine. Cet argument séduit une partie de l’opinion italienne. La justice, clémente, ne le condamne qu’à un an de prison, dont il n’effectuera que quelques mois.
Ironie de l’histoire, ce vol qui aurait pu ternir l’image du Louvre propulse au contraire la Joconde au sommet de la gloire. Le 4 janvier 1914, le tableau retrouve enfin ses cimaises parisiennes. Derrière une vitre blindée, sous surveillance permanente, il attire désormais des millions de visiteurs chaque année.
Cet épisode a profondément marqué la conscience nationale. Il révèle la fragilité des institutions culturelles face aux menaces, mais aussi la puissance symbolique de l’art dans l’imaginaire collectif. La République a tremblé, les artistes ont été soupçonnés, mais c’est finalement un modeste ouvrier italien qui a changé à jamais le destin d’un chef-d’œuvre.
Héritage d’un vol devenu légende
Plus d’un siècle après, l’histoire continue de fasciner. Ce vol improbable a transformé un portrait de femme en symbole planétaire. Sans Peruggia, la Joconde ne serait peut-être pas devenue l’icône mondiale qu’elle est aujourd’hui.
Aujourd’hui encore, le tableau reste au cœur de débats entre la France et l’Italie. Certains nationalistes transalpins continuent de revendiquer son retour. Mais la Joconde est désormais indissociable du Louvre, du patrimoine français et de l’idée même de génie artistique.
Ce 21 août 1911 demeure gravé dans l’histoire comme un tournant. En un geste, Vincenzo Peruggia a prouvé qu’un homme seul pouvait défier un État, bouleverser la politique culturelle, et offrir à une peinture un destin hors du commun.
Derrière sa vitre blindée, la Joconde n’est plus seulement un tableau. Elle est le souvenir vivant d’un vol qui a bouleversé le monde de l’art et a révélé la puissance du mythe.