Un congrès solennel pour afficher l’unité et la puissance coutumière. Mais derrière les chants et les palabres, une institution fragilisée et contestée.
Une institution coutumière en quête de légitimité
Le Sénat coutumier de Nouvelle-Calédonie tiendra ce vendredi 29 et samedi 30 août 2025 son 25e congrès du pays Kanak à Nouville. Officiellement, l’événement se veut une célébration de l’identité kanak et un espace de réflexion sur la feuille de route des prochaines années. Mais derrière le cérémonial, l’instance présidée par Éloi Gowe fait face à un paradoxe. Longtemps farouchement opposé à l’accord de Bougival, le Sénat a finalement pris part au comité de rédaction conduit par Manuel Valls au Haut-Commissariat, avant d’ adopter la politique de la chaise vide lors de la dernière journée, le 25 août.
Un comportement que l’institution justifie par sa volonté de rappeler sa mission première : contribuer à la construction de l’identité kanak. Pourtant, cette posture apparaît comme une façon habile de masquer les divisions internes et d’éviter d’être assimilé aux revirements du FLNKS, accusé d’avoir trahi sa signature de Bougival.
Des fractures internes et des dérives inquiétantes
L’image du Sénat coutumier s’est fortement dégradée ces dernières années. Contesté en son sein, l’organe a connu des démissions spectaculaires, dont celle du grand chef de la Roche, Hippolyte Sinawami, qui a quitté l’institution pour créer Inaat Ne Kanaky, un groupuscule coutumier radical prônant des revendications illimitées, allant « de la terre jusqu’à l’air ». Cette scission illustre le climat délétère qui entoure une institution souvent perçue comme un monde clos, sans élection démocratique et sans place pour les femmes.
En parallèle, les revendications du Sénat coutumier peuvent faire sourire, voire inquiéter : obtenir un véritable pouvoir institutionnel, doté d’un pouvoir de proposition et d’un droit de veto sur toutes les questions liées à la coutume. Des ambitions qui, si elles étaient accordées, bouleverseraient l’équilibre institutionnel et porteraient atteinte à la démocratie représentative.
Un congrès symbolique, mais financé par le contribuable
Le programme du 25ème congrès dévoile toute la mise en scène coutumière : coutumes d’accueil, discours d’ouverture, palabres sur le projet de société « Kanaky – Nouvelle-Calédonie », restitution sur l’accord de Bougival, nomination du président coutumier et clôture en danses et chants. Derrière ce cérémonial, une réalité demeure : cette institution vit exclusivement aux frais du contribuable calédonien, sans véritable légitimité élective.
En s’affichant de plus en plus proche des indépendantistes, le Sénat coutumier cherche à se réinventer et à s’imposer comme une force incontournable. Mais sa crédibilité est minée par ses contradictions internes, son absence de transparence démocratique et une incapacité à répondre aux enjeux concrets du pays. Ce congrès anniversaire, loin d’incarner une renaissance, risque d’apparaître comme une nouvelle démonstration d’un entre-soi déconnecté de la réalité des Calédoniens.