Il voulait livrer un plaidoyer historique. Mais son discours devant le Sénat a révélé plus de contradictions que de convictions. Christian Téin, président du FLNKS, s’est présenté comme la voix du peuple kanak. Une prétention lourde de sens, mais dont la légitimité demeure fragile.
« Au nom du peuple kanak » : une proclamation contestée
Mardi, devant la commission des lois, Christian Téin s’est exprimé « non comme responsable politique », mais « au nom du peuple kanak ». Une formule solennelle, mais qui pose question : qui lui a confié ce mandat ?
Le peuple kanak n’est ni homogène ni exclusivement indépendantiste. En se proclamant son unique représentant, Téin s’approprie symboliquement une parole collective. Dans une République fondée sur le suffrage universel, cette revendication sans urnes ni mandat électif reste problématique.
Il dénonce des élus prolongés qu’il juge illégitimes, mais s’autorise lui-même à parler au nom d’une population entière. Difficile de réclamer plus de démocratie tout en s’imposant comme porte-voix autoproclamé.
La parole donnée… quand elle arrange
Tout au long de son audition, Téin a invoqué la « parole donnée » et le respect des accords, citant Matignon (1988) et Nouméa (1998) comme repères sacrés. Mais son propre parcours contredit ce discours.
Le 12 juillet 2025, le FLNKS a paraphé à Bougival un texte ouvrant la voie à un compromis avec l’État. Ce geste, posé avec l’aval tacite de sa direction, engageait le mouvement. Quelques semaines plus tard, Téin nie sa validité et accuse ses délégués d’avoir outrepassé leurs prérogatives.
Peut-on exiger de l’État et du Sénat un respect scrupuleux des engagements quand on balaie soi-même une signature officielle ? Difficile de brandir la morale quand elle devient contraignante.
Une contestation sélective
Christian Téin a dénoncé vigoureusement le projet de report des élections provinciales, présenté comme un « passage en force ». Mais l’argument vacille : le FLNKS avait accepté deux reports des élections provinciales, au nom du dialogue. Pourquoi ce qui était légitime hier deviendrait-il aujourd’hui un déni de démocratie ?
Son raisonnement s’enferme dans un paradoxe : il refuse les élus actuels mais rejette aussi l’épreuve des urnes. En contestant la signature de Bougival, il fragilise encore sa crédibilité : on ne peut pas prêcher le consensus et renier un accord dès qu’il dérange.
Au fond, la rhétorique de Téin relève moins d’un combat démocratique que d’une stratégie de disqualification permanente. Accuser l’État de manipuler le calendrier masque une contradiction centrale : vouloir être incontournable sans accepter les règles de la démocratie représentative.
La paix civile et la confiance entre l’État et la Nouvelle-Calédonie ne sauraient reposer sur des principes appliqués à géométrie variable. La République ne peut se plier aux leaders qui invoquent la parole donnée pour mieux la renier.