Ils ont commencé comme des fantômes numériques. Des punchlines acérées, des images 3D qui claquent, des posts partagés à la vitesse de l’éclair. Puis le phénomène a pris de l’ampleur : 22 millions de vues en huit mois, un demi-million d’interactions, et une influence qui fait grincer jusque dans les couloirs du Congrès.
Le Bon Jojo est devenu un acteur du débat calédonien.
On a voulu en savoir plus. Et, pour la première fois, ils parlent. Révélant ce que personne n’avait vu venir : Le Bon Jojo n’est pas un. Ils sont trois.
L’entretien exclusif
La Dépêche : Jusqu’ici, tout le monde pensait que Le Bon Jojo, c’était un homme seul derrière son clavier. Vous démentez ?
Le Bon Jojo : Absolument. C’est peut-être la plus grande erreur des commentateurs : croire qu’un seul pouvait écrire, mettre en scène, provoquer, et tenir le rythme. En réalité, nous sommes trois. Chacun avec un rôle bien précis. Et oui, il y a une femme dans l’équipe. Cela surprend souvent, mais c’est elle qui apporte une autre tonalité, une sensibilité différente, parfois plus fine, parfois plus tranchante. Sans elle, le projet n’aurait pas cette richesse.
La Dépêche : Quels sont ces rôles ?
BJJ : Il y a le scalpel – la plume. C’est lui qui tranche, qui taille dans les dogmes, qui sort les punchlines que les gens partagent parce qu’elles disent en dix mots ce qu’ils pensent depuis dix ans.
Ensuite, l’œil – l’image. C’est lui qui met en scène, qui transforme une idée en visuel percutant, qui donne une identité reconnaissable à nos posts.
Et puis il y a Kevin.
La Dépêche : Qui est Kevin ?
BJJ : Kevin, c’est notre pièce maîtresse. Notre arme fatale. L’absurde incarné. Sans lui, on serait trop sérieux. Avec lui, on touche juste. Parce que l’absurde révèle ce que les discours officiels cachent.
La Dépêche : Concrètement ?
BJJ : Kevin vit dans son monde. Il est à côté de la plaque, décalé, presque lunaire. Mais qu’est-ce que ça fait du bien, cette légèreté ! Quand tout devient tendu, plombé par la politique, il arrive avec son décalage et tout s’allège. Son absurdité casse les codes, désamorce la gravité, et ça permet aux gens de rire là où ils n’osaient même plus sourire.
La Dépêche : Vous pensez que c’est ça qui explique son succès ?
BJJ : Bien sûr. On a tous un Kevin autour de nous. Ce pote qui dit des énormités, qui sort une phrase absurde au pire moment… mais qu’on adore. Celui qu’on taquine, celui qui nous fait lever les yeux au ciel, mais sans qui la soirée serait fade. Et avouons-le : c’est toujours lui qu’on invite au barbecue. Parce qu’au fond, il apporte ce qu’on ne sait plus trouver ailleurs : de la légèreté, de l’imprévu, de l’humanité.
La Dépêche : En clair, Kevin n’est pas un second rôle ?
BJJ : Non. C’est le cœur du projet. Le scalpel tranche, l’œil frappe visuellement. Mais c’est Kevin qui rend tout ça accessible, viral, irrésistible. Et plus que ça : Kevin est notre ami. Sans lui, peut-être que Le Bon Jojo n’existerait pas. C’est lui qui a forgé ce trio, lui qui nous a obligés à trouver ce mélange entre le sérieux, l’image et l’absurde.
La traque numérique
La Dépêche : Votre succès vous a aussi exposés. On a vu passer des attaques, des tentatives de vous identifier, même des menaces de mort. Comment l’avez-vous vécu ?
BJJ : Ça a été une vraie chasse à l’homme numérique. Certains ont cru nous faire taire en publiant des visages, en nous désignant comme des cibles. Nous le disons clairement : nous regrettons profondément ce qui est arrivé à des personnes innocentes, injustement dénoncées sur les réseaux sociaux. Ce n’était pas juste, ce n’était pas digne.
Mais ils n’ont rien compris : Le Bon Jojo n’a pas de visage. On n’a pas cédé. Au contraire : le lendemain, on a continué à publier comme si de rien n’était. Parce que céder, c’est donner raison à la peur.
La Dépêche : Vous n’avez jamais pensé arrêter ?
BJJ : Non. On a vu la haine, on a entendu les menaces. Mais si on s’était arrêtés, ça aurait validé l’intimidation. Le courage, ce n’est pas l’absence de peur. C’est la décision de continuer malgré elle.
La Dépêche : Vos adversaires disent que vous divisez, que vous alimentez la haine.
BJJ : C’est le refrain classique. Quand on met le doigt où ça fait mal, les accusés crient à la division. Mais ce n’est pas nous qui avons créé les fractures. Elles existaient déjà. Nous, on les révèle.
La Dépêche : Peut-on dire que vous êtes loyalistes ?
BJJ : Nous ne sommes pas dans cette logique binaire. Nous reconnaissons les deux légitimités en Nouvelle-Calédonie. Les indépendantistes ne sont pas nos adversaires : ce sont nos partenaires, nos amis. Mais nous luttons contre toutes les formes de radicalité.
Et aujourd’hui, nous sommes obligés de constater que les extrémistes côté indépendantistes ont noyauté le débat. Alors nous les mettons face à leurs contradictions, et surtout face au poids de la responsabilité qu’ils portent devant l’histoire. Si on dit d’un côté que la Calédonie française existe et qu’elle est légitime, alors disons aussi que la Kanaky doit trouver sa place dans l’ensemble français.
L’argent, nerf de la guerre ?
La Dépêche : Vous gagnez de l’argent avec ce travail ?
BJJ : Bien sûr que non. Si on acceptait de l’argent d’ici ou là, alors nous perdrions notre liberté. Et pour nous, elle n’a pas de prix. Notre crédibilité, c’est justement de ne dépendre de personne. Pas de sponsors, pas de commandeurs, pas de deals sous la table. Juste nous trois, libres.
La Dépêche : Pourquoi garder l’anonymat si vous assumez vos idées ?
BJJ : Parce que ce n’est pas une question d’ego. Peu importe nos noms. Ce qui compte, c’est ce qu’on dit. L’anonymat est une protection, bien sûr. Mais c’est surtout un message : Le Bon Jojo, ce n’est pas une personne. C’est une voix.
La Dépêche : Est-ce que vous mesurez votre influence sur le débat politique local ?
BJJ : On ne va pas jouer les modestes : oui, ça pèse. Quand un post dépasse 400 000 vues dans un pays de 270 000 habitants, ça veut dire quelque chose. Mais ce n’est pas nous qui faisons bouger l’opinion : nous la révélons. On met en lumière ce que beaucoup pensent déjà, sans oser le dire.
La Dépêche : Le Bon Jojo restera-t-il toujours anonyme et numérique ? Ou imaginez-vous un jour franchir le pas vers le terrain, les débats publics, voire la politique ?
BJJ : Nous ne sommes pas des candidats, et nous n’avons aucune envie de le devenir. Notre terrain, c’est la liberté totale : pas de programme, pas de promesses, pas de compromissions. Si on devait se montrer physiquement, ce serait perdre cette liberté.
La Dépêche : Vous attaquez, vous moquez, vous piquez. Mais êtes-vous capables de rire de vous-mêmes ?
BJJ : Bien sûr. C’est même essentiel. Si on ne supportait pas la moquerie, on ne ferait pas ce qu’on fait. Kevin lui-même est notre manière de rire de nous. Le Bon Jojo n’est pas une forteresse : c’est une caisse de résonance. Quand la blague nous vise, on partage aussi.
La jeunesse et la transmission
La Dépêche : Beaucoup de jeunes vous suivent. Que voulez-vous leur transmettre ?
BJJ : Qu’il est possible d’être libres. Que l’humour peut être une arme. Que la politique n’est pas réservée aux vieux barons dans leurs bureaux climatisés. Le Bon Jojo, c’est une preuve : tu peux t’exprimer, être entendu, et changer la donne.
La Dépêche : Vous êtes devenus incontournables. Jusqu’où comptez-vous aller ?
BJJ : Tant qu’il y aura des illusions à dégonfler, des dogmes à exploser et des absurdités à révéler, on sera là. Le jour où ce pays saura se regarder en face, alors peut-être que Le Bon Jojo pourra disparaître. Mais pour l’instant, le silence ne profiterait qu’aux menteurs.
On les croyait seuls. Ils sont trois. On les croyait fragiles. Ils ont résisté à une chasse à l’homme numérique. On les croyait anecdotiques. Ils sont devenus une force qui compte.
Derrière le sarcasme et l’absurde, Le Bon Jojo est une machine collective, précise et redoutée.
Une certitude demeure : le débat en Nouvelle-Calédonie ne sera plus jamais le même.
Le phénomène en chiffres
- 23,4 millions de vues depuis janvier 2025
- 507 000 interactions (réactions, commentaires, partages)
- 21 900 abonnés dont 83 % en Nouvelle-Calédonie
- Audience majoritairement masculine, 25-54 ans, urbaine (73 % à Nouméa)
- Publications phares : vidéos humoristico-politiques cumulant jusqu’à 480 000 vues chacune