La fracture numérique mine la France. Alors que l’État impose la dématérialisation à marche forcée, des millions de citoyens se sentent abandonnés. Le Sénat sonne l’alarme.
Un service public déshumanisé par le tout-numérique
Le rapport sénatorial, rendu le 17 septembre 2025, est sans appel : la dématérialisation imposée des démarches administratives fragilise le lien entre la Nation et ses administrés. Près d’un Français sur deux (44%) rencontre des difficultés en ligne, selon le dernier Baromètre du numérique. Le constat est brutal : personnes âgées, ruraux, Français d’outre-mer ou même une partie de la jeunesse se retrouvent face à une administration sans visage, réduite à des formulaires standardisés.
Cette fracture numérique nourrit un sentiment d’abandon. Fermetures de trésoreries, de bureaux de poste ou de caisses sociales : l’éloignement territorial se double d’un éloignement numérique. Des élus témoignent :
La dématérialisation est adaptée à un public autonome mais totalement inadaptée et source d’angoisses pour les plus fragiles.
Voilà la réalité d’un service public qui semble oublier sa raison d’être : servir les citoyens.
France services : un modèle à consolider
Le rapport met en avant le rôle crucial du réseau France services, héritier des Maisons de services au public. Avec près de 2 800 structures déployées et environ un million d’accompagnements chaque mois, ces guichets redonnent un visage humain à l’administration. Les agents, véritables « couteaux suisses de l’État », sont loués pour leur polyvalence et leur engagement.
Mais le Sénat ne se voile pas la face : 67 % de ces espaces reposent sur les collectivités locales, tandis que l’État ne finance qu’une infime partie (1 %). Certaines communes dénoncent un transfert de charges, voyant dans France services « la concrétisation de l’abandon des territoires par l’État ». Pour restaurer l’égalité républicaine, il faudra renforcer ce maillage et garantir la présence de conseillers formés, capables d’apporter des réponses concrètes à chaque usager.
Mais au-delà de l’accueil physique, le Sénat insiste aussi sur un autre front : la protection des usagers face aux dangers du numérique.
Restaurer la confiance et protéger les usagers
Au terme de ses travaux, la mission sénatoriale formule 20 recommandations organisées autour de quatre axes : améliorer l’accueil des usagers, consolider le réseau France services, protéger contre les sites frauduleux, et promouvoir une administration vraiment au service des citoyens.
Car un autre danger guette : la prolifération de sites privés qui imitent les plateformes officielles et font payer des démarches normalement gratuites. La mission alerte sur cette arnaque à grande échelle et demande des mesures de protection renforcées pour éviter que les plus vulnérables ne soient dupés.
Le rapport souligne également la nécessité de l’omnicanalité : téléphone, accueil physique et numérique doivent coexister. La France ne peut pas céder à l’illusion d’un « tout digital ». La République doit garantir à chacun le choix du canal, faute de quoi la promesse du service public se vide de son sens.
À travers ce rapport, le Sénat rappelle une vérité simple : un État fort est un État proche de ses citoyens. La numérisation n’est pas un mal en soi, mais elle ne remplacera jamais l’accueil humain. Le service public est le visage de la République : il doit rester accessible à tous, sans exception.