Un affrontement titanesque en Crimée, une guerre qui a redéfini l’équilibre européen.
Le 26 septembre 1854, les Alliés plantent leurs drapeaux devant Sébastopol : l’histoire bascule.
Une guerre née de l’ambition russe et de la riposte de l’Europe
En 1853, le tsar Nicolas Ier décide d’exploiter le déclin de l’Empire ottoman pour étendre l’influence russe dans les Balkans et s’assurer le contrôle stratégique des Détroits. Prétexte choisi : la protection des chrétiens orthodoxes de l’Empire. Le refus du sultan entraîne l’invasion de la Moldavie et de la Valachie.
Mais la Turquie ne plie pas, et oppose une résistance farouche. La flotte ottomane est écrasée à Sinope le 30 novembre 1853, un massacre qui choque l’Europe. Londres et Paris entrent alors en guerre. Pour Napoléon III, c’est l’occasion de laver l’humiliation de 1815 et de replacer la France au rang des grandes puissances. L’Angleterre, elle, refuse catégoriquement que la Russie accède à la Méditerranée.
En mars 1854, l’alliance est scellée : France, Angleterre, Empire ottoman et Piémont-Sardaigne forment un front inédit. Leur objectif est clair : briser les ambitions russes. La campagne se concentre sur la Crimée, véritable verrou maritime de la mer Noire.
Le siège de Sébastopol : onze mois d’enfer
Le 20 septembre 1854, la bataille de l’Alma ouvre la voie aux Alliés. Les Russes reculent, et quelques jours plus tard, le 26 septembre, le siège de Sébastopol commence. Les forces alliées — 28 000 Français, 26 000 Britanniques et 6 000 Ottomans — posent le pied dans une Crimée qu’ils connaissent mal. Les erreurs logistiques s’accumulent : méconnaissance du terrain, impréparation sanitaire, sous-estimation de l’hiver.
Pourtant, les Alliés s’accrochent. Les conditions sont épouvantables : froid mordant, épidémies de choléra, manque de nourriture et d’équipement. Les Britanniques sont décimés, tandis que les Français tiennent le front avec opiniâtreté. C’est dans ces tranchées glaciales que se forge une solidarité de fer.
Les Russes, de leur côté, défendent Sébastopol avec un acharnement patriotique. Plus de 120 kilomètres de tranchées sont creusés. Mais l’équilibre bascule le 8 septembre 1855 : le général français Mac-Mahon s’empare de la tour Malakoff, cœur du dispositif russe. Il aurait alors prononcé sa célèbre phrase : “J’y suis, j’y reste”.
La victoire française : prestige retrouvé et Europe transformée
Le 30 mars 1856, la signature du traité de Paris met fin à la guerre. Le bilan est terrible : 120 000 morts alliés, 150 000 Russes. Mais la victoire alliée est claire. La Russie est contrainte de démilitariser la mer Noire, de céder la Bessarabie du Sud et de renoncer à son protectorat sur les orthodoxes ottomans.
Pour la France, c’est une revanche éclatante. Napoléon III impose la conférence de paix à Paris, redonne à la nation une stature internationale et renforce son alliance avec l’Angleterre. L’Europe, marquée par cette guerre moderne suivie en direct par la presse et les photographes, découvre aussi l’importance des logistiques militaires et de la santé des troupes.
Quant à la Russie, la défaite précipite des réformes majeures, notamment l’abolition du servage sous Alexandre II. Mais le souvenir reste douloureux : Sébastopol devient le symbole d’une résistance héroïque face à l’Occident uni.
Dans nos villes françaises, du boulevard de Sébastopol au pont de l’Alma, l’écho de cette guerre se lit encore dans la pierre. La victoire française en Crimée a offert à notre pays une place retrouvée dans le concert des nations, confirmant que face à Saint-Pétersbourg, l’Europe n’a jamais plié lorsqu’elle a su rester unie et déterminée.