Un trafic criminel qui prospère dans l’ombre. Une menace sanitaire, écologique et sécuritaire trop longtemps sous-estimée en France.
Une criminalité lucrative qui échappe aux radars
Le 24 septembre 2025, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat a adopté à l’unanimité le rapport de Guillaume Chevrollier sur la lutte contre le trafic d’espèces sauvages et protégées. Le constat est sans appel : malgré des efforts notables, la France échoue encore à endiguer un fléau planétaire.
Ce trafic, estimé à 20 milliards de dollars par an, prospère sur une équation mortelle : profits colossaux, risques judiciaires faibles. Entre 2015 et 2021, plus de 13 millions de saisies ont été recensées dans le monde, mais cela ne représenterait qu’une infime part des flux réels. En 2024, nos douaniers ont saisi 98 000 spécimens — coraux, oiseaux et reptiles —, mais ce chiffre reste dérisoire face aux volumes en circulation.
La France, en raison de sa position géographique et de ses hubs aéroportuaires, est devenue un carrefour du trafic. La viande de brousse illustre l’ampleur du problème : 475 tonnes transiteraient chaque année par Roissy, avec seulement 0,6 % intercepté. Cette réalité souligne une impasse : le tout-interception ne suffit plus.
Un danger sanitaire et écologique majeur
Derrière les chiffres, un risque vital pour la santé publique. On estime que 70 % des maladies émergentes proviennent de la faune sauvage : Ebola, VIH, SARS, Monkeypox… La consommation de viande de brousse et l’importation illégale de produits animaux échappent à tout contrôle sanitaire et peuvent déclencher la prochaine pandémie.
Le danger ne s’arrête pas à la santé. Ce trafic alimente aussi l’érosion de la biodiversité. La plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (l’IPBES) estime qu’il menace directement 28 % des espèces déjà en danger. Chaque saisie de coraux, d’ivoire ou d’animaux vivants cache une chaîne d’équilibres écologiques fragilisés : des forêts qui cessent de se régénérer, des pollinisateurs disparus.
Enfin, le trafic d’espèces sauvages constitue une source de financement pour des réseaux criminels, voire terroristes. Certains trafiquants opèrent en bandes armées, n’hésitant pas à tuer des gardes forestiers. Derrière la faune pillée, ce sont aussi nos frontières et notre sécurité intérieure qui sont en jeu.
Passer à l’offensive : la France montre la voie
Face à ce constat, la commission appelle à changer d’échelle. Le rapport recommande 18 mesures fortes. Parmi elles :
Déplacer le combat à la source, en renforçant la coopération avec les pays d’origine.
Impliquer le secteur du transport aérien et maritime, avec la création d’un label pour les compagnies exemplaires.
Investir dans l’intelligence artificielle, la détection douanière et les brigades cynophiles.
Instaurer une information claire et multilingue pour les voyageurs, dès l’achat du billet : « Pas de viandes, pas d’animaux protégés » doit devenir aussi évident que « Pas d’armes, pas de drogues ».
Systématiser les sanctions douanières immédiates et dissuasives.
L’heure n’est plus à l’angélisme ni au laxisme. La protection de la santé publique et de notre agriculture exige une fermeté sans faille. La lutte contre ce trafic, c’est aussi la défense de la souveraineté, de la sécurité et de l’autorité de l’État.
La COP20 de la Cites arrive à point nommé : la France doit y porter haut une parole claire et volontariste. Car ce combat n’est pas seulement celui de la biodiversité. C’est une bataille civilisationnelle pour préserver nos frontières, nos écosystèmes, nos vies.