Une conservatrice au pouvoir dans la troisième économie mondiale. Une femme de fer prête à imposer la ligne dure à Tokyo.
Une victoire historique pour la droite japonaise
Le Japon tourne une page de son histoire politique. Sanae Takaichi, 64 ans, a été élue samedi 4 octobre cheffe du Parti libéral-démocrate (PLD), formation de droite nationaliste au pouvoir presque sans interruption depuis 1955. Elle devrait, selon la tradition parlementaire, devenir dans les prochains jours la première femme première ministre du Japon.
Cette victoire marque un tournant : celui d’un retour assumé au nationalisme économique et à la fermeté stratégique.
En devançant au second tour Shinjiro Koizumi, ministre médiatique de l’Agriculture âgé de 44 ans, Takaichi s’impose comme l’héritière d’une droite dure, attachée à la souveraineté nationale, au réarmement et à la défense de l’identité japonaise.
Avec vous tous, nous avons inauguré une nouvelle ère pour le PLD, a-t-elle déclaré triomphalement devant ses partisans.
Cette élection intervient dans un contexte de désaffection populaire vis-à-vis du PLD, affaibli par la perte de sa majorité absolue dans les deux chambres du Parlement. Son prédécesseur, Shigeru Ishiba, avait jeté l’éponge après les élections sénatoriales du 20 juillet.
Mais malgré la fragilité du parti, l’opposition reste trop divisée pour contrarier son accession au poste de chef du gouvernement.
Pour beaucoup d’observateurs, la droite japonaise se resserre, cherchant à réaffirmer son autorité face aux mouvements populistes émergents, notamment le Sanseito, parti nationaliste montant qui prône un Japon fermé à l’immigration et centré sur ses intérêts.
Une “femme de fer” nationaliste et anti-immigration
Sanae Takaichi n’a jamais caché sa ligne idéologique : patriotisme, fermeté et souveraineté économique.
Ancienne ministre de la Sécurité économique, elle est connue pour ses positions tranchées sur la Chine, la défense et le commerce international. Elle a récemment affirmé qu’elle renégocierait certains accords douaniers avec Washington si ceux-ci se révélaient défavorables au Japon.
Cette rhétorique, à rebours du ton lisse de ses prédécesseurs, séduit une partie de la population inquiète du déclin économique et de la dépendance stratégique vis-à-vis des États-Unis.
Takaichi promet de protéger les industries japonaises, de réarmer l’armée d’autodéfense et de durcir les conditions d’entrée des étrangers.
Ses prises de position sur l’immigration et le tourisme de masse sont particulièrement tranchées : elle considère que le Japon doit d’abord garantir la cohésion nationale avant d’ouvrir davantage ses frontières.
Surnommée « la talibane » par l’ex-Premier ministre Fumio Kishida pour son dogmatisme conservateur, Takaichi s’inscrit dans une lignée politique assumée : le Japon d’abord, les valeurs japonaises avant tout.
Son attachement au sanctuaire de Yasukuni, où reposent 2,5 millions de morts de guerre dont des criminels de guerre condamnés, en témoigne. Un geste symbolique qui continue d’irriter Pékin et Séoul, mais qu’elle défend comme un acte de fidélité à la mémoire nationale.
Même si elle a adouci sa rhétorique lors de la campagne interne, promettant d’« unifier le PLD », la nouvelle cheffe de parti reste l’incarnation d’une droite sans complexe, fière de son héritage et décidée à affirmer la puissance japonaise dans une région Asie-Pacifique sous tension.
Une conservatrice à la tête d’un Japon en mutation
Sanae Takaichi n’est pas une féministe, et elle ne s’en cache pas. Si son élection marque une avancée symbolique pour la place des femmes en politique, la nouvelle dirigeante s’oppose à toute réforme sociétale jugée contraire à la tradition.
Sur le plan des mœurs, elle rejette toute « occidentalisation forcée » du Japon, préférant mettre en avant la discipline, le respect et la hiérarchie comme fondements de la société japonaise.
Margaret Thatcher reste son modèle politique déclaré : une dirigeante inflexible, attachée à l’ordre et à la responsabilité individuelle.
Mais la “Thatcher nippone” devra composer avec des défis colossaux : vieillissement démographique, dette publique abyssale, croissance en berne, désindustrialisation et désaffection des jeunes électeurs.
Elle promet d’y répondre par le travail, la rigueur et la fierté nationale, plutôt que par l’assistanat ou la victimisation. Cette approche séduit une partie de la droite japonaise, lassée du consensus mou.
En prônant un retour à la discipline, à la souveraineté et à la foi dans le travail, Sanae Takaichi entend incarner un Japon debout, lucide sur ses fragilités mais fier de ses forces.
Sa victoire ne se limite pas à une élection interne : elle symbolise la revanche d’une droite nationale assumée, dans un monde où le relativisme et la repentance semblent avoir pris le pas sur le patriotisme.
Et si, à l’image de Margaret Thatcher dans les années 1980, Sanae Takaichi devenait la figure du réveil conservateur asiatique ?