Un rapport régional coordonné révèle les failles de la gouvernance climatique du Pacifique. La Nouvelle-Calédonie doit agir vite pour éviter un désastre annoncé.
Un front commun du Pacifique contre l’inaction climatique
C’est une alliance rare : neuf institutions supérieures de contrôle du Pacifique, parmi lesquelles la Chambre territoriale des comptes (CTC) de Nouvelle-Calédonie, ont participé à un audit mondial coordonné sur les politiques d’adaptation au changement climatique.
Sous l’égide du PASAI (Pacific Association of Supreme Audit Institutions), ce rapport régional analyse trois domaines clés : la gestion de l’eau, l’adaptation à l’érosion côtière et à la montée du niveau de la mer, et la planification des actions climatiques.
Le constat est sévère : les gouvernements insulaires sont mal préparés à affronter les effets concrets du changement climatique. En Nouvelle-Calédonie, la Chambre a choisi de concentrer son contrôle sur l’érosion du trait de côte, un phénomène désormais visible à l’œil nu dans plusieurs zones du territoire, de Pouébo à Yaté.
Les conclusions sont claires : retard stratégique, faiblesse des moyens, manque de coordination entre acteurs publics.
La Nouvelle-Calédonie face à ses responsabilités
La vision stratégique du territoire en matière de lutte contre l’érosion est récente, fragile et encore trop théorique.
Le rapport note une dispersion inquiétante des données scientifiques, un enchevêtrement des compétences entre gouvernement, provinces et communes, et une absence de coordination globale des actions menées sur le terrain.
Résultat : certains aménagements, construits sans vision d’ensemble, accentuent paradoxalement l’érosion dans d’autres zones.
La Chambre territoriale des comptes appelle à rompre avec cette gestion au coup par coup. Elle recommande de créer un observatoire du littoral d’ici 2025, destiné à centraliser toutes les données, études et actions sur la bande côtière. Cet observatoire deviendrait le cerveau stratégique de la défense du littoral calédonien, garantissant une cohérence entre les provinces, les communes et les autorités coutumières.
Le rapport détaille également un calendrier d’action :
2025 : formalisation de l’observatoire du littoral et lancement du portail public des connaissances côtières ;
2026 : réalisation d’un état des lieux complet des aménagements, définition des zones à risque, et adoption des plans de prévention des risques naturels ;
Toujours en 2026 : adoption d’une loi de pays précisant les incidences sur les terres coutumières et les servitudes publiques ;
enfin, mise en place d’un tableau de bord du climat, véritable outil de suivi et de financement des actions d’adaptation.
Cette approche traduit une idée simple mais forte : la protection du littoral ne doit plus dépendre de la seule bonne volonté locale, mais relever d’une politique publique structurée, durable et responsable.
L’urgence climatique vue par la Chambre : science, rigueur et souveraineté
Au-delà des constats techniques, le rapport de la CTC porte un message politique fort : agir pour le climat, c’est d’abord une question de souveraineté.
Les institutions du Pacifique, dont la Nouvelle-Calédonie, ne peuvent plus se contenter d’attendre les fonds extérieurs ou les projets importés. Il leur faut une maîtrise scientifique, financière et juridique propre, capable de protéger durablement les habitants et les terres coutumières.
La Chambre insiste sur la nécessité d’un portail gouvernemental unique recensant les données de submersion et d’érosion, pour anticiper les risques à 10, 30 ou 100 ans. La numérisation intégrale du littoral est présentée comme une priorité nationale, afin d’orienter les décisions d’urbanisme et les investissements publics.
Cette anticipation permettra de réguler les constructions, de prioriser les financements, et d’éviter les drames humains et économiques d’une gestion à courte vue.
Oui, le changement climatique est une réalité. Mais il appelle de la méthode, pas du pathos.
Le rapport met en avant la valeur de l’action publique disciplinée : planifier, suivre, évaluer.
C’est ainsi, selon ses conclusions, que la Nouvelle-Calédonie retrouvera la maîtrise de son destin environnemental, en anticipant les effets du climat plutôt qu’en les subissant.
Prévoir, plutôt que subir. Coordonner, plutôt que réagir. Construire, plutôt que commenter.
C’est la ligne directrice tracée par la Chambre des comptes : celle d’un territoire qui assume sa responsabilité collective face à un défi mondial.