Emmanuel Macron joue la montre, la France s’enfonce dans l’incertitude.
À Paris comme à Nouméa, le pouvoir vacille entre calculs politiques et crise de confiance.
Un pays sans cap, un pouvoir sans autorité
Depuis le dimanche 5 octobre, la France traverse une crise politique inédite depuis le début de la Ve République. Le gouvernement de Sébastien Lecornu, nommé dans la précipitation, n’aura tenu que quatorze heures avant de rendre les armes. Une démission express qui illustre la désagrégation du pouvoir macroniste, incapable de bâtir une majorité stable.
Et pourtant, Emmanuel Macron refuse d’admettre l’échec. Dans un communiqué de Matignon, on apprend que le Premier ministre démissionnaire a été chargé par le chef de l’État de “mener d’ultimes discussions” pour éviter le naufrage institutionnel. Objectif : sauver les apparences d’un pouvoir qui ne gouverne plus.
Autour de la table, les visages sont connus : Gérard Larcher, Yaël Braun-Pivet, Gabriel Attal, Édouard Philippe et Marc Fesneau, représentant François Bayrou. Tous ont accepté de se pencher sur les deux urgences nationales : le budget de l’État et l’avenir de la Nouvelle-Calédonie. Deux dossiers explosifs, symboles d’un pays en panne de cohésion et d’autorité.
Mais un grand absent : Bruno Retailleau. Le président des Républicains, pourtant pilier du “socle commun”, n’a pas été convié. Un signe clair : le pouvoir macroniste ne cherche pas l’unité, mais la survie.
Lecornu, l’émissaire d’un président affaibli
Pour Emmanuel Macron, le renvoi de Sébastien Lecornu dans l’arène politique n’a rien d’un hasard. Le chef de l’État joue la montre. En conférant une mission “de stabilité” à un Premier ministre déjà démissionnaire, il espère calmer les tensions sans réellement trancher. C’est une fuite en avant : gouverner sans gouverner, dialoguer sans écouter.
Le Premier ministre démissionnaire a proposé de concentrer les discussions sur deux priorités : l’adoption d’un budget pour l’État et la sécurité sociale, et l’avenir de la Nouvelle-Calédonie, précise le communiqué officiel.
Une formulation technocratique pour masquer un vide politique abyssal.
Car derrière ces mots se cache un constat brutal : la « majorité présidentielle » n’a plus de cap. Les Républicains se referment, le RN grimpe et la gauche s’entre-déchire. Dans ce chaos, Lecornu tente d’improviser un dialogue national en quarante-huit heures. Une mission impossible, tant la fracture entre Paris et les territoires s’est creusée.
La Ve République tangue. Et, dans les coulisses, certains au sommet de l’État redoutent déjà un scénario à l’italienne : un pouvoir morcelé, livré aux compromis sans convictions.
Nouvelle-Calédonie : le test grandeur nature de la République
Si Paris s’enlise dans ses calculs politiques, la Nouvelle-Calédonie, elle, se relève difficilement des émeutes du 13 mai 2024. L’île, à genoux économiquement, est devenue le symbole du malaise français : un territoire où l’État a trop promis, trop tard.
Depuis la signature de l’accord de Bougival, le 12 juillet 2025, les forces politiques locales qui n’ont pas renié leur engagement plaident pour le report des élections provinciales au 28 juin 2026. Objectif : donner le temps d’appliquer le texte et de stabiliser un archipel encore sous tension.
Le Congrès de la Nouvelle-Calédonie, le 15 septembre dernier, a d’ailleurs rendu un avis favorable (39 voix pour) à ce report. Une décision saluée par les partisans du dialogue, mais critiquée par certains indépendantistes, qui y voient une manœuvre dilatoire.
À Paris, cette question devient centrale : comment maintenir l’ordre républicain à 17 000 kilomètres, quand la République peine déjà à s’imposer chez elle ?
La crise calédonienne, longtemps reléguée en bas de pile, s’impose désormais dans les discussions de Matignon. Pour Macron, c’est un test décisif : s’il échoue à apaiser la situation, c’est l’ensemble de son quinquennat qui risque de s’effondrer.
À l’Élysée, le constat est implacable : plus personne ne croit au “en même temps”.
Le Premier ministre démissionnaire promet encore des “consultations”, mais chacun sait que le sort du gouvernement est déjà scellé. Les oppositions attendent l’effondrement final du macronisme, tandis que les Français, eux, n’attendent plus rien.
Dans ce climat de fin de règne, la Nouvelle-Calédonie devient le miroir grossissant d’un État central qui a perdu la main. Entre crise politique, instabilité budgétaire et fracture territoriale, la France joue son avenir à quitte ou double.
Et pendant que les palais de la République s’agitent, le pays, lui, s’enfonce dans le doute.