Une course contre la montre institutionnelle. À Paris, le Sénat s’apprête à examiner en urgence un texte crucial pour sauver le projet d’accord de Bougival et garantir la stabilité politique en Nouvelle-Calédonie. Malgré un gouvernement démissionnaire, l’État refuse le vide institutionnel.
Un gouvernement démissionnaire, mais pas inerte
Vendredi 10 octobre, le gouvernement démissionnaire a saisi en urgence le Sénat pour inscrire à l’ordre du jour une proposition de loi transpartisane repoussant la tenue des élections provinciales en Nouvelle-Calédonie. Ce texte, pourtant retardé depuis des semaines, est indispensable à la mise en œuvre de l’accord de Bougival, signé en juillet entre les forces loyalistes, l’État et les indépendantistes modérés.
Malgré l’absence de gouvernement de plein exercice, les services du Sénat ont convoqué la commission des Lois dès mardi le suivant, pour un examen express du projet. Le texte sera débattu mercredi après-midi dans l’hémicycle, selon le calendrier publié vendredi. Une décision rare, mais conforme à l’urgence politique et institutionnelle.
Car le temps presse : la loi doit être promulguée avant le 2 novembre. Passé ce délai, les électeurs calédoniens seraient automatiquement convoqués pour renouveler les assemblées provinciales — un scénario explosif, qui ruinerait les efforts de stabilisation menés depuis le drame du 13 mai 2024.
L’accord de Bougival, dernière digue avant le chaos
Signé le 12 juillet à Bougival, ce compromis historique visait à relancer un dialogue constructif entre les indépendantistes, l’État et les loyalistes. Mais depuis, le FLNKS radical a dénoncé l’accord, refusant d’en assumer les termes et réclamant des élections anticipées dès novembre 2025.
Pour Paris, ce revirement du camp indépendantiste n’est pas seulement une posture politique : c’est une tentative de reprendre la main par la rue plutôt que par la discussion. En prolongeant la mandature actuelle jusqu’en juin 2026, le report des élections provinciales permettrait justement de stabiliser la situation, de mettre en œuvre les mesures de Bougival et de redonner à la République les moyens de tenir sa parole.
Le Congrès de la Nouvelle-Calédonie a d’ailleurs rendu un avis favorable en septembre à ce report, validant la date limite du 28 juin 2026. Une position responsable, qui contraste avec la stratégie d’obstruction du FLNKS.
Une République ferme face aux impatiences indépendantistes
Dans ce contexte tendu, le ministre démissionnaire des Outre-mer, Manuel Valls, a mis en garde contre toute dissolution de l’Assemblée nationale, qui fragiliserait encore davantage la Nouvelle-Calédonie. Malgré l’intérim politique, l’État veut démontrer que la continuité républicaine ne se négocie pas.
Certes, un gouvernement démissionnaire ne peut pas, en principe, défendre de texte devant le Parlement. Mais le caractère exceptionnel du dossier calédonien justifie cette procédure.
Si nous avions un gouvernement de plein exercice, cela simplifierait les choses, confie une source sénatoriale, tout en admettant que l’urgence commande d’agir.
Sébastien Lecornu, Premier ministre démissionnaire, avait fait du dossier calédonien une priorité nationale, au même titre que le budget. Sa volonté de préserver l’unité du pays et de sauver l’accord de Bougival traduit une ligne claire : pas de vide politique, pas de faiblesse républicaine.
Au-delà du débat institutionnel, c’est la crédibilité de la parole de la France qui se joue. Si le report n’est pas voté à temps, l’accord de Bougival volerait en éclats, renforçant les extrêmes et les partisans de la rupture.
Face à cette échéance, le Sénat, gardien de la continuité républicaine, s’impose comme le dernier rempart contre l’instabilité.
Dans cette séquence, l’État démontre que même démissionnaire, il reste maître du jeu. La République n’abandonne pas la Nouvelle-Calédonie : elle la protège, coûte que coûte.




















