L’humanité a franchi une étape décisive il y a vingt-cinq ans. Le 12 octobre 1999, un cri de nouveau-né à Sarajevo symbolisait l’entrée de la Terre dans une ère nouvelle : celle des six milliards d’humains.
12 octobre 1999 : le jour où la Terre a franchi les 6 milliards
Kofi Annan, alors secrétaire général de l’ONU, s’était déplacé en personne pour marquer l’événement. À ses côtés, un bébé bosniaque, Adnan Nevic, devenait l’incarnation d’un monde en expansion. L’humanité, qui n’avait mis que cinquante ans pour tripler sa population depuis 1900, semblait lancée vers un futur de croissance sans limite.
Mais derrière l’image de la vie, un autre phénomène se dessinait déjà : le déséquilibre démographique mondial.
En 1850, la planète comptait à peine un milliard d’êtres humains. Un siècle plus tard, ils étaient 1,6 milliard, dont un quart étaient des Européens. À la fin du XXe siècle, ce rapport s’est inversé : l’Europe, jadis foyer de vitalité démographique, amorçait un hiver des berceaux que rien, ou presque, ne semble pouvoir enrayer.
Aujourd’hui, en 2025, moins de 10 % des habitants du globe sont Européens. Et la tendance s’accentue.
Une croissance née du progrès, pas de la natalité
Contrairement aux idées reçues, l’explosion démographique du XXe siècle ne s’explique pas par un regain de fécondité. Elle est le fruit d’un succès collectif : la baisse de la mortalité infantile et maternelle, la disparition des grandes famines, la généralisation de l’hygiène et de la médecine moderne.
Autrement dit, l’humanité n’a pas eu plus d’enfants — elle les a simplement mieux gardés en vie.
Entre 1950 et 2000, l’espérance de vie moyenne a bondi d’une vingtaine d’années. Les sociétés industrialisées ont repoussé les limites de la mort, mais aussi celles du renouvellement des générations.
Car à mesure que les conditions de vie s’amélioraient, les naissances se raréfiaient. En Europe, au Japon, puis en Chine, l’indice de fécondité s’est effondré : de plus de 3 enfants par femme dans les années 1960 à moins de 1,6 aujourd’hui.
Cette chute vertigineuse inquiète les démographes. Elle annonce non plus un monde saturé d’hommes, mais une planète vieillissante, où les berceaux se vident plus vite que les cimetières.
Une planète à deux vitesses : l’Afrique progresse, l’Occident décline
Selon les projections de l’ONU, la population mondiale atteindra 9,7 milliards d’êtres humains en 2050, et un maximum de 10,4 milliards vers 2080.
Mais cette croissance sera presque entièrement portée par l’Afrique subsaharienne, dont la population pourrait doubler, passant de 2 à près de 4 milliards d’habitants.
Le reste du monde — Europe, Asie, Amériques — entrera dans une phase de déclin démographique structurel.
Ce basculement planétaire crée un contraste saisissant : une jeunesse africaine en plein essor, face à des sociétés européennes vieillissantes, fragilisées par le poids des retraites et le manque de main-d’œuvre.
Ce déséquilibre pose une question brûlante : qui portera demain la croissance, la science, la civilisation ?
En France comme ailleurs, certains tirent la sonnette d’alarme. Car la non-reproduction des générations ne menace pas seulement les chiffres : elle remet en cause le modèle de transmission culturelle et identitaire qui fonde la continuité des nations.
À force de repousser l’idée de la famille et de glorifier la décroissance, l’Occident s’éteint lentement, mais sûrement.
Le bébé de Sarajevo, célébré par Kofi Annan en 1999, a aujourd’hui 25 ans. Autour de lui, le monde a changé.
Les progrès médicaux ont continué, les communications ont rapproché les peuples, mais la fracture démographique s’est creusée.
L’Europe vieillit, l’Asie stagne, l’Afrique enfante.
Les experts du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) constatent déjà que la majorité des naissances mondiales se concentrent dans moins de dix pays. Une concentration qui redessine la carte du pouvoir mondial.
Car la démographie, loin d’être une simple statistique, est le moteur silencieux de la géopolitique : là où les peuples disparaissent, les nations s’effacent.
Le 12 octobre 1999 restera donc comme le tournant d’un monde qui se croyait infini. En réalité, il marquait le début d’une recomposition sans précédent : celle d’une humanité qui devra apprendre à vivre moins nombreuse, mais plus inégale.
Et tandis que certains continents voient leurs maternités débordées, l’Occident redécouvre la valeur oubliée de la natalité — non plus comme un chiffre, mais comme un acte de survie.