Face à la crise des territoires et à la dilution des responsabilités, l’intercommunalité s’impose comme le dernier rempart du bon sens local. À quelques encablures des municipales de 2026, ce pilier de la décentralisation revient au cœur du débat.
Un modèle ancien, mais toujours au cœur du pacte républicain
Née à la fin du XIXᵉ siècle, la coopération intercommunale constitue l’un des fondements silencieux de la République territoriale. Loin du bavardage politique, elle repose sur une idée simple : les communes s’unissent pour agir mieux. Distribution d’eau, ramassage des déchets, transports urbains : autant de missions que les maires ont choisi d’assumer ensemble, sans perdre leur âme locale.
Dans un pays fort de 34 875 communes, l’intercommunalité répond à une nécessité : rationaliser, mutualiser, construire. Dès 1890, les syndicats intercommunaux (SIVU) ont permis d’apporter la lumière et l’eau dans les villages. En 1959, les SIVOM élargissent la coopération. En 1992, les communautés de communes voient le jour, puis, en 1999, les communautés d’agglomération deviennent la colonne vertébrale de la France périurbaine.
L’État, souvent trop centralisateur, a fini par admettre que les territoires savent mieux que Paris ce dont ils ont besoin. Les lois MAPTAM (2014) et NOTRe (2015) ont renforcé cette logique, donnant davantage de compétences et de responsabilités aux intercommunalités à fiscalité propre.
De la coopération associative à la puissance fédérative
L’intercommunalité présente deux visages. Le premier, dit associatif, reste souple : les communes mutualisent leurs services, partagent leurs coûts, mais conservent chacune leur autonomie fiscale. Cette formule, sans fiscalité propre, concerne encore 8 322 établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) au 1ᵉʳ janvier 2025.
Le second, fédératif, marque une étape supplémentaire vers la responsabilité locale. Avec 1 254 EPCI à fiscalité propre, la France s’appuie désormais sur des structures capables de lever l’impôt et de conduire des projets de développement local ambitieux : zones industrielles, infrastructures, aménagements durables.
Ce n’est pas une “mise sous tutelle” des communes, comme certains le redoutent, mais une union stratégique, à l’image de la métropole de Lyon ou des communautés d’agglomération du littoral atlantique. Moins de paperasse, plus d’efficacité : telle est la promesse.
Derrière ces chiffres, une philosophie se dessine : rendre la France plus lisible, plus cohérente et plus compétitive. Dans une Europe éclatée par les technostructures, l’intercommunalité française fait figure d’exception pragmatique.
En Nouvelle-Calédonie, une solidarité territoriale en action
Sur le Caillou, l’intercommunalité prend des formes concrètes. Le SIGN, réunissant Nouméa, Dumbéa, Le Mont-Dore et Païta, incarne cette volonté de mutualiser les forces autour des enjeux urbains, économiques et environnementaux.
Plus ancienne encore, la structure SIVM Sud rassemble Farino, La Foa, Bourail, Moindou, Sarraméa, Boulouparis, Païta et Thio : un modèle d’équilibre entre monde rural et communes en croissance. Au nord, le SIVM Nord fédère Koumac, Poum et Kaala-Gomen, preuve que la coopération ne se limite pas aux grandes agglomérations.
Dans ces structures, on retrouve l’esprit de la France d’en bas, celle des élus de terrain qui refusent de subir et préfèrent agir. À travers la gestion commune de l’eau, des déchets, des routes ou du tourisme, l’intercommunalité calédonienne défend une vision claire : celle d’un territoire qui se prend en main sans attendre les ordres venus du sommet.
Les élections municipales de mars 2026 seront aussi un test grandeur nature pour l’intercommunalité. Derrière les listes locales se joue une bataille d’idées : faut-il recentraliser ou continuer à faire confiance aux élus de proximité ?
Pour beaucoup de maires, la réponse est évidente : le pouvoir doit rester au plus près du citoyen. L’intercommunalité, c’est le contraire du désengagement : c’est le choix du collectif sans renier la commune.
À une époque où l’on déplore la “fracture territoriale”, la coopération intercommunale réaffirme le modèle français : libre, responsable et solidaire. À l’heure des grands discours sur la transition écologique, la réindustrialisation ou la sécurité locale, ce sont souvent ces structures discrètes qui font le travail.
Parce que la France, ce ne sont pas que les plateaux télé et les ministères. Ce sont des maires, des agents, des élus de terrain qui, ensemble, tiennent la maison debout.
Et si, en 2026, la vraie victoire républicaine, c’était celle de l’intercommunalité ?