Face à l’effondrement des recettes fiscales, le Congrès a dû trancher dans le dur, sans pathos, mais avec un réalisme devenu vital.
Un pays asphyxié par la chute des recettes fiscales
La séance publique du 30 octobre 2025 n’avait rien d’un exercice de routine : elle sonnait comme une mise au point sévère. Les 54 conseillers du Congrès ont affronté la réalité d’un pays qui a perdu 50 milliards de francs CFP de recettes publiques entre 2023 et 2025, soit un quart des revenus du territoire. Une chute vertigineuse, directement liée au choc du 13 mai 2024.
Pour boucler l’année, les élus ont passé au crible les décisions modificatives de tous les budgets : un ajustement forcé, presque brutal. Les collectivités devront revoir leurs moyens à la baisse de l’ordre de 3,1 milliards de francs, un coup de rabot historique. Dans le détail : 1,7 milliard pour les provinces, 520 millions pour les communes, 860 millions pour le gouvernement. Un pays entier contraint de se serrer la ceinture.
Cette contraction budgétaire, pourtant, est à peine atténuée par le prêt garanti par l’État (PGE), devenu un sujet explosif. Le PGE n’est plus un simple outil de soutien : il cristallise le malaise, les frustrations, la colère ouverte des élus locaux.
Parallèlement, le Congrès a dû valider un changement d’affectation de 1,14 milliard de francs issus de la TGC et transférés vers l’Agence sanitaire et sociale. Une décision indispensable : sans ce redéploiement, pas de financement possible pour les régimes sociaux — RUAMM, minimum vieillesse, minimum retraite, aides au logement, bref tout ce qui constitue la solidarité calédonienne. Les élus l’ont dit sans détour : oui, les dotations aux collectivités baissent. Mais ne pas assurer la survie des régimes sociaux aurait été irresponsable.
Le PGE, déclencheur d’une colère politique assumée
Si un point a mis tout le monde d’accord, c’est bien l’exaspération autour de la deuxième tranche du PGE. Prévue à 28,6 milliards, elle s’est transformée en un versement partiel de 26,1 milliards, Paris estimant que toutes les conditions n’étaient « pas réunies ». Résultat : le reliquat a été converti en « subvention républicaine », un intitulé flatteur en apparence… qui masque en réalité un prêt avec contraintes.
Pour une grande partie de l’hémicycle, cette méthode relève d’un paternalisme technocratique peu compatible avec la situation du pays. Sonia Backès, présidente de la province Sud, l’a résumé avec la franchise qu’on lui connaît : « C’est du délire ». Elle juge les contreparties imposées par l’État tout simplement « inapplicables ».
Du côté de l’Éveil océanien, Vaimu’a Muliava a livré une analyse impitoyable, mais lucide : selon lui, les élus ont « manqué de responsabilité, manqué de lucidité, manqué de courage ». Une gifle politique, mais aussi un appel à l’unité : Muliava exhorte les 54 conseillers à agir ensemble, non pas pour des clans, mais pour le pays réel, celui qui travaille, élève ses enfants et n’a pas le luxe d’attendre.
Cette séquence révèle un clivage profond : entre une Nouvelle-Calédonie qui veut se redresser et un État qui multiplie les conditions, l’équilibre devient précaire. La solidarité nationale, martelée depuis Paris, ne doit pas être un slogan : elle doit être un acte.
Les cantines sauvées : un vote unanime, un signal politique fort
Dans cette séance tendue, une décision a pourtant mis tout le monde d’accord : le sauvetage des cantines et internats du privé confessionnel. Confrontée à des difficultés majeures, la Direction diocésaine de l’enseignement catholique (DDEC), qui scolarise 12 000 élèves, risquait une rupture de service.
Le Congrès a voté à l’unanimité une subvention exceptionnelle de 400 millions de francs, destinée non seulement à la DDEC, mais aussi à la FELP et à l’ASEE. Une mesure saluée comme un acte de responsabilité. Dans un pays fragilisé, assurer un repas par jour aux enfants relève de l’évidence morale.
Mais cette aide n’est pas un chèque en blanc. Le Congrès a imposé une étude stratégique sur la gestion et le financement de la DDEC, en particulier sur sa politique salariale. Une droite assumée aurait difficilement dit mieux : oui à la solidarité, non à l’irresponsabilité structurelle.
Finalement, l’essentiel est préservé : 12 000 élèves pourront déjeuner, les internats resteront ouverts, et l’État comme les collectivités sont rappelés à leurs responsabilités. La crise budgétaire n’efface pas l’exigence de continuité du service public, surtout quand il touche les enfants.
 
		














