Deux heures de débats, un hémicycle sous tension et une claque politique que personne n’avait vraiment anticipée.
Ce 30 octobre 2025, l’Assemblée nationale a basculé dans une séquence que la gauche n’oubliera pas.
UN SCRUTIN HISTORIQUE QUI FAIT VACILLER LA GAUCHE
Dans un hémicycle chauffé à blanc, la proposition de résolution soutenue par le RN a été adoptée à une voix près, avec 185 voix pour et 184 contre. Un résultat rarissime sous la Ve République. Pour la première fois, la majorité des députés a validé l’idée de rompre le régime dérogatoire accordé aux ressortissants algériens depuis 1968.
Cette victoire, le RN ne la doit pas au hasard. Elle est le produit d’une coalition inattendue : Rassemblement national, droite républicaine, et du groupe Horizons. Une coalition politique qui montre que la droite française, lorsqu’elle avance rassemblée, peut imposer son agenda.
Mais la réalité institutionnelle rappelle vite ses limites : en vertu de l’article 34-1 de la Constitution, une résolution parlementaire n’oblige pas le Gouvernement. Elle exprime une position politique et rien de plus. Un symbole, certes, mais un symbole d’une puissance rare.
Ce vote révèle surtout une fracture profonde : la gauche n’a pas su mobiliser. Sur les 195 députés des quatre groupes, seuls 143 ont voté contre le texte.
Du côté d’Ensemble pour la République, le malaise est palpable : seulement 40 députés présents sur 92, dont 30 opposés au texte. L’absence de Gabriel Attal, qui avait pourtant appelé en 2023 à revisiter l’accord de 1968, a suscité de vives critiques.
Dans cet hémicycle fragmenté, c’est la droite qui a repris la main. Et elle ne compte visiblement pas la lâcher.
UN ACCORD DE 1968 CONTESTÉ DEPUIS DES ANNÉES POUR SES AVANTAGES DÉROGATOIRES
Pour comprendre la bataille politique du jour, il faut revenir sur l’histoire de cet accord signé le 27 décembre 1968, en pleine période des Trente Glorieuses. À l’époque, la France cherche de la main-d’œuvre. Elle organise donc un système spécifique pour les Algériens, couvrant la circulation, le séjour et l’emploi.
Ce régime comporte plusieurs facilités :
– installation libre pour exercer une activité commerciale ou indépendante ;
– accès accéléré au titre de séjour de dix ans ;
– regroupement familial simplifié.
Un texte très avantageux, même si, ironie de l’histoire, les étudiants algériens ont hérité de conditions moins favorables, notamment pour les jobs étudiants.
L’accord a été modifié trois fois (1985, 1994, 2001), pour aligner progressivement ses avantages sur le droit commun, devenu entre-temps plus favorable. Mais depuis 2001, plus rien. Le texte est resté figé pendant 22 ans.
Depuis longtemps, la droite juge cet accord obsolète. Elle voit dans ce régime particulier un levier d’immigration automatique, défendu par aucune autre nationalité. En 2023, LR avait déjà tenté de le faire dénoncer lors de sa propre niche parlementaire : sans succès. Plusieurs responsables politiques, dont Édouard Philippe, avaient également demandé sa remise à plat lors des débats sur la loi immigration fin 2023. Mais le Gouvernement avait choisi d’esquiver.
Ce 30 octobre 2025 marque donc un renversement : le débat a été rouvert par la droite, et il a cette fois trouvé une majorité.
Une majorité contradictoire ? Non. Une majorité assumée, qui estime que l’égalité devant la loi en matière migratoire implique la fin des régimes dérogatoires hérités du passé.
UNE DÉFAITE GÊNANTE POUR LA GAUCHE ET UN AVERTISSEMENT POUR LE GOUVERNEMENT
La scène politique française n’est pas sortie indemne de ce vote. À gauche, c’est la sidération. Le député LFI Éric Coquerel l’a reconnu : son groupe a la « règle » de ne jamais voter un texte du RN, mais il a admis que certains pourraient désormais « ne pas participer au vote ».
Un aveu rare, qui illustre une gauche désemparée par les pièges procéduraux d’une opposition de droite aujourd’hui très structurée.
Le RN, renforcé par ce premier succès, voit plus grand. Dans la foulée, il espère obtenir une autre victoire avec sa proposition de loi visant à rétablir le délit de séjour irrégulier, une mesure que Marine Le Pen dit « majoritaire au sein de l’Assemblée ».
Et le parti ne compte pas s’arrêter là. Il a déjà préparé d’autres textes-pièges :
– un pour limiter les frais bancaires (inspiré d’une proposition communiste) ;
– un autre pour rendre gratuits les parkings d’hôpitaux, également soutenu par LFI.
Autrement dit, retourner les armes discursives de la gauche contre elle-même.
Du côté du Gouvernement, le signal est tout aussi brutal. La majorité présidentielle, déjà fragilisée depuis 2024, apparaît divisée, peu mobilisée, parfois absente. Le vote de ce jeudi révèle un bloc centriste affaibli, hésitant, sans ligne claire.
La droite, elle, avance. Elle impose ses thèmes, fixe le tempo, construit une dynamique.
Et ce soir-là, l’hémicycle a clairement basculé en sa faveur.















