LinkedIn enclenche une nouvelle étape : l’exploitation automatique des données de millions de Français pour nourrir son IA.
Une bascule silencieuse, que seuls les utilisateurs les plus vigilants pourront réellement contrer.
Une décision imposée en silence : LinkedIn capte vos données dès le 3 novembre
À partir de ce 3 novembre, le réseau social professionnel LinkedIn, propriété de Microsoft, active une mesure passée presque sous les radars : l’utilisation des données personnelles de ses membres pour entraîner son intelligence artificielle générative.
L’annonce avait pourtant été faite dès septembre, enfouie dans un billet de blog que peu d’usagers ont réellement lu. Le réseau expliquait vouloir exploiter « certaines données des membres » afin de perfectionner ses modèles d’IA, censés améliorer l’expérience utilisateur et faciliter les opportunités professionnelles.
Derrière ces formulations feutrées, une réalité concrète : vos informations publiques, photo, parcours, compétences, publications, commentaires pourront être intégrées au moteur d’apprentissage de l’IA.
Les messages privés, eux, restent exclus du dispositif. Une précision présentée comme rassurante, mais qui ne compense pas l’ampleur de ce qui est désormais collecté par défaut.
LinkedIn justifie cette évolution en expliquant vouloir « aider les recruteurs à vous trouver » ou assister la rédaction de contenus. Autrement dit, la finalité affichée serait professionnelle, orientée vers l’efficacité.
Mais la mécanique retenue repose sur un biais bien connu : celui de l’opt-out, c’est-à-dire l’activation automatique que l’utilisateur doit lui-même désactiver s’il s’y oppose.
Une pratique qui interroge, surtout dans un contexte où la bataille pour la souveraineté numérique n’a jamais été aussi centrale pour la France et l’Europe.
Car c’est bien là l’enjeu : à l’heure où les grandes plateformes américaines renforcent leur emprise, l’utilisateur européen se retrouve souvent démuni. Trop peu informé, trop peu protégé, trop dépendant de règles venues d’ailleurs.
Comment désactiver l’utilisation de vos données : une manipulation simple mais méconnue
La bonne nouvelle, c’est qu’il est encore possible de refuser l’utilisation de ses données par LinkedIn.
La mauvaise, c’est que la majorité des usagers ignore purement et simplement l’existence de cette option.
Pourtant, la manipulation ne prend que quelques secondes : il suffit de se rendre dans les paramètres, puis d’ouvrir la rubrique « Confidentialité des données ».
Une section précise, intitulée « Données pour l’amélioration de l’IA générative », affiche alors une case cochée par défaut. Il faut la décocher pour empêcher LinkedIn d’utiliser vos informations.
Cette action reste possible avant et après le 3 novembre, ce qui signifie qu’aucun utilisateur n’est définitivement piégé.
Mais là encore, le choix posé par défaut révèle une philosophie : si vous ne dites rien, LinkedIn considère que vous acceptez.
Cette logique n’est pas isolée : elle s’inscrit dans une tendance de fond où les géants du numérique étendent progressivement leur champ d’exploitation des données en misant sur la passivité des internautes.
Le cas de Meta, l’an dernier, l’a déjà démontré. En juin, Facebook, Instagram et WhatsApp annonçaient que les données publiques des usagers serviraient désormais à entraîner leur IA générative. Là aussi, les messages privés étaient épargnés. Là aussi, tout le reste était aspiré : photos, localisations, commentaires, groupes suivis, centres d’intérêt, interactions diverses.
L’entreprise s’appuyait sur la base légale des « intérêts légitimes », une formule devenue familière pour qui observe depuis longtemps la stratégie de la Silicon Valley : plus la donnée est massive, plus la domination technologique est stable.
Derrière l’apparente modernité, un risque majeur : l’utilisateur devient la ressource gratuite de l’IA
L’argument des plateformes est toujours le même : améliorer le service, faciliter les interactions, automatiser les tâches.
Mais il occulte un élément fondamental : la matière première, c’est nous, nos données, nos parcours professionnels, nos mots, nos comportements.
À l’heure où l’IA devient le cœur de la puissance numérique mondiale, celui qui détient les données détient le pouvoir. Et ce pouvoir échappe de plus en plus à l’Europe et aux Français.
L’initiative de LinkedIn s’inscrit dans une stratégie globale de captation discrète, où l’utilisateur n’est plus un membre d’un réseau professionnel, mais une source d’entraînement gratuite pour des modèles d’IA qui valent des milliards.
Ce renversement du rapport de force est d’autant plus préoccupant qu’il se fait sans véritable débat public.
La France, pourtant engagée dans un effort de reconquête numérique, laisse encore les grandes firmes imposer leur rythme et leurs normes.
Une situation qui interroge : comment reconstruire une souveraineté numérique réelle si les données des citoyens partent dès aujourd’hui dans des infrastructures étrangères, sans contrôle national ?
Le citoyen français doit désormais devenir acteur de sa protection numérique.
Refuser l’exploitation automatique de ses données n’est pas un geste militant : c’est un acte de lucidité, dans un monde où la transparence est rarement du côté des plateformes.
Désactiver l’option LinkedIn ne changera pas l’équilibre géopolitique mondial, mais cela permet au moins de reprendre une part de contrôle, aussi modeste soit-elle.
Et surtout, cela rappelle une vérité essentielle : la vie privée n’est jamais définitivement perdue tant que l’on peut encore dire non.
		














