Ils pensaient que la distribution électrique resterait un paysage immobile. Mais à Dumbéa, ce sont désormais des choix politiques forts qui redessinent les circuits et redistribuent les cartes.
Car derrière un simple changement de fournisseur se jouent pouvoir local, service public et responsabilité énergétique.
Une redistribution qui secoue la commune
Depuis le vote du 23 octobre, la scène politique de Dumbéa ne décolère pas. Si le renouvellement des concessions de distribution électrique semblait une formalité administrative, la décision finale a fait l’effet d’un révélateur. Deux opérateurs, EEC et Enercal, conservent chacun leur périmètre, mais 1 800 foyers quitteront Enercal pour rejoindre EEC-ENGIE à compter du 1er janvier 2026.
Officiellement, aucun tarif ne change, aucune condition de fourniture n’évolue. Le service public reste assuré, les abonnements suivent. Mais derrière le vernis administratif, l’opposition y voit un découpage incompréhensible, un choix politique non assumé.
Pour les habitants concernés L’Ermitage, La Pépinière, La Caférie, Le Calvaire, Koé, Nondoué, Katiramona, Les Pétroglyphes, Couvelée, Val Fleury, Val Suzon, le basculement sera automatique. Ils recevront contrat, courrier et informations en permanence dédiée. Pas de coupure, pas de surprise sur la facture.
Mais politiquement, le terrain est loin d’être apaisé.
Une polémique qui enfle dans l’opposition municipale
C’est Loïc Basset-Creugnet, élu du groupe Les Loyalistes – Le Rassemblement Dumbéa, qui a fortement contesté cette décision lors de la séance municipale. Selon lui, la commune a raté une occasion historique : mettre fin à vingt ans de coexistence absurde entre EEC et Enercal sur un même territoire.
Il dénonce une « anomalie administrative » et regrette une chance manquée d’aller vers une simplification bénéfique pour les Dumbéens.
Son discours frappe fort.
Pour lui, le découpage décidé par l’exécutif municipal n’a « aucune cohérence ». Les quartiers situés à l’est de la RT1 basculent tous chez EEC, portant à 4 000 le nombre total de foyers desservis par l’opérateur. Enercal, déjà fragilisé financièrement, voit une partie supplémentaire de son territoire disparaître.
Et surtout, l’élu insiste sur un point sensible : l’impact possible sur les contrats de rachat d’électricité solaire des particuliers. Une question technique, mais cruciale dans une commune où l’autoconsommation progresse rapidement.
Le groupe d’opposition regrette également le manque de transparence :
Ce n’est pas faute de l’avoir demandé à de multiples reprises, martèle Basset-Creugnet.
Une manière de renvoyer la majorité à ses responsabilités et à son opacité présumée.
Dans un contexte où la population attend clarté et stabilité, la critique porte.
Une décision municipale assumée sur vingt ans
Du côté de la mairie, la ligne est simple : continuité et extension du partenariat avec EEC pour la zone 1, pour une durée de vingt ans. Un choix présenté comme pragmatique, structurant et tourné vers la sécurité du réseau public.
Les secteurs inclus dans cette zone sont précisés : Rivière-Salée, Entre-Deux-Mers, Auteuil, Tonghoué, Les Koghis déjà clients EEC, mais aussi tous les nouveaux quartiers concernés par le transfert.
Pour les Dumbéens déjà clients EEC, rien ne change : seule la version actualisée des conditions générales de vente s’applique.
Pour les clients Enercal, la transition se fera en douceur :
• réception d’un courrier ou d’un e-mail en décembre ;
• signature électronique possible ;
• permanences d’information à Dumbéa-Nord et Val Suzon ;
• activation automatique du contrat au 1er janvier 2026, sans coupure.
Autrement dit : continuité du service public, sécurité contractuelle, absence de rupture.
Une approche que la municipalité présente comme stable, moderne et adaptée aux enjeux de la transition énergétique.
Derrière les câbles, les transformateurs et les contrats, c’est bien une ligne politique qui s’affirme.
D’un côté, une majorité municipale qui revendique une gestion de long terme, adossée à un partenaire solide comme EEC, pour garantir stabilité et investissement.
De l’autre, une opposition qui voit dans cette décision un manque de courage, l’abandon d’un opérateur public en difficulté et une complexité administrative persistante.
La vérité, souvent, se situe dans l’arbitrage : efficacité ou cohérence ? Service public ou rééquilibrage politique ?
À Dumbéa, l’électricité n’est plus un simple service : elle devient un cas d’école de gouvernance locale, un champ de bataille où chaque camp défend sa conception de l’intérêt général.
Alors que les habitants s’apprêtent à signer leurs nouveaux contrats, les questions demeurent.
Une certitude, en revanche : ce changement révèle une commune qui cherche encore son modèle, entre performance énergétique et responsabilité institutionnelle.
Et dans une Nouvelle-Calédonie où l’équilibre financier et politique est constamment sur le fil, chaque décision, même électrique, devient un acte fort.
















