Deux agressions en une heure, deux collègues brisés, et une même réalité : l’État ne protège plus ceux qui tiennent la frontière intérieure.
Quand la violence éclate derrière les murs, ce sont toujours les mêmes qui payent le prix du renoncement.
Une matinée de violences extrêmes : deux agents ciblés en une heure
Le 19 novembre 2025 restera comme une date noire pour les personnels pénitentiaires. En l’espace de soixante minutes, deux surveillants ont été pris pour cibles, dans des attaques d’une brutalité rare. Une matinée ordinaire qui bascule dans le chaos, une fois de plus, parce que les agents sont exposés au-delà du raisonnable.
Tout commence à 7 h 20, à la MAF. Une audience semble se dérouler normalement lorsqu’une détenue se jette soudain sur une CPIP. La scène vire immédiatement à l’agression. Une surveillante intervient, sécurise seule la zone, maîtrise l’agresseuse avec un professionnalisme qui force le respect. Mais la violence est telle qu’elle subit une morsure d’une sauvagerie inouïe : un morceau de doigt arraché.
Dans n’importe quel autre service de l’État, un tel fait provoquerait un électrochoc national. En détention, il est encore trop souvent relégué à la routine.
Et un constat s’impose : comment accepter qu’une surveillante puisse être laissée seule dans un tel contexte ? Pour FO Justice, il s’agit d’une faute structurelle, conséquence directe des carences de personnel.
La seconde agression survient à 8 h 35 au CD1. Un surveillant procède à un mouvement lorsqu’il croise un détenu a priori calme. Rien ne laisse présager ce qui suit : un coup de tête d’une violence extrême, porté sans avertissement. Le collègue est grièvement blessé, le visage tuméfié, le nez en sang.
Au CD1, c’est la cinquième agression en moins de deux mois. Une série dramatique qui illustre l’effritement de l’autorité au quotidien.
Une administration muette, des agents à bout : « Trop, c’est trop »
Pour les surveillants, cette nouvelle salve de violences n’a rien d’un accident. Elle est l’aboutissement d’un système sous tension permanente, où les agents font face à une population pénale de plus en plus instable, sans les effectifs nécessaires, sans soutien, et parfois sans directives claires.
Sur le terrain, les mots sont durs : « Trop, c’est trop », « On encaisse pendant que d’autres commentent », « Faudra-t-il une tragédie pour obtenir une réaction ? »
Ce ne sont pas des slogans. Ce sont les phrases de femmes et d’hommes qui n’en peuvent plus de travailler dans une zone grise, où la sécurité repose davantage sur leur courage individuel que sur la protection institutionnelle.
FO Justice le martèle : les sous-effectifs sont chroniques, les renforts insuffisants, l’organisation souvent inadaptée. Pendant ce temps, la direction locale, selon les agents, s’abrite derrière des explications qui ne tiennent plus face à la réalité.
La violence, elle, ne négocie pas. Et elle frappe toujours les mêmes.
Une visite ministérielle… et un défi lancé à l’État
Ces agressions interviennent une semaine seulement après la venue de la ministre des Outre-mer, Naïma Moutchou, au Camp-Est. Une visite marquée par des échanges francs avec les syndicats, notamment sur la dégradation des conditions de détention et la fatigue des surveillants.
La ministre a reconnu l’urgence, salué les efforts des équipes, et assuré vouloir « continuer et accélérer » les améliorations, en lien avec le garde des Sceaux.
Mais sur le terrain, une certitude domine : les agents n’attendront plus des promesses. Ils demandent des actes immédiats : des renforts, une présence hiérarchique plus forte, et un retour clair de l’autorité de l’État dans les établissements pénitentiaires.
Car l’autorité n’est pas une option. L’autorité protège. L’autorité empêche les drames.
Et une République qui laisse ses surveillants se faire mutiler ou frapper en silence s’abandonne un peu elle-même.
Aujourd’hui, dans les prisons de Nouvelle-Calédonie, cette autorité vacille.
Demain, elle doit revenir.
Par le courage politique. Par les moyens. Par la fermeté.
La violence pénitentiaire ne peut plus être tolérée.
Ni excusée.
Ni banalisée.
Elle doit être combattue. Pour les surveillants. Pour l’État. Pour la République.















