Dans un territoire encore secoué par les violences de 2024, l’État avance enfin ses pions.
La consultation sur l’accord de Bougival ne sera plus un serpent de mer, mais un rendez-vous décisif.
Hors FLNKS, une volonté majoritaire : avancer, enfin
Le message de Naïma Moutchou est clair : l’État ne cédera plus au flou institutionnel. Auditionnée par la commission des lois du Sénat, la ministre des Outre-mer a confirmé que la consultation citoyenne sur l’accord de Bougival se tiendrait probablement en mars 2026, et non en février comme prévu initialement. Un ajustement technique, selon elle, destiné à garantir un cadre juridique solide et un débat clair.
La ministre rappelle que cinq forces politiques sur six, hormis le FLNKS, souhaitent pousser la mise en œuvre de l’accord. Ce n’est pas anodin : malgré les turbulences politiques locales, une majorité assume que l’avenir institutionnel passe par Bougival. Et dans un moment où la Nouvelle-Calédonie a plus que jamais besoin de stabilité, cette cohérence mérite d’être soulignée.
Le corps électoral spécial, gelé comme lors des trois référendums, sera reconduit. Une décision cohérente avec l’architecture de l’accord, mais également un signal politique : pas de réouverture interminable du débat sur les listes électorales. Le cadre est posé, et l’État montre qu’il entend le faire respecter.
Un calendrier resserré pour éviter l’enlisement institutionnel
Pour tenir l’échéance de mars, la ministre déroule un calendrier précis : projet de loi ordinaire en Conseil des ministres en décembre, examen possible au Sénat début janvier, puis mise en œuvre. Rien n’est totalement figé, mais l’orientation est assumée : l’État veut aller vite sans bâcler.
Ce choix tient aussi compte du report des élections provinciales désormais attendues d’ici fin juin 2026. En revanche, un point de friction apparaît : la ministre n’a pas évoqué les municipales, prévues les 15 et 22 mars. Faut-il y voir un silence volontaire ou une simple prudence dans la communication ? Pour l’heure, l’État ne tranche pas. Mais une consultation simultanée avec un scrutin municipal poserait des questions logistiques majeures.
Le gouvernement, conscient du risque de confusion, veut “éclairer” les Calédoniens. C’est un point clé. L’accord de Bougival est un texte cadre dense, technique et souvent mal compris. Un document explicatif, inspiré de ceux utilisés lors des référendums sur l’indépendance, est désormais envisagé. La ministre veut offrir aux électeurs des réponses précises : conséquences d’un oui, conséquences d’un non, articulation avec les futures lois organiques. Un effort salutaire, surtout dans un contexte où certains acteurs politiques alimentent, volontairement ou non, la confusion.
L’enjeu est simple : un scrutin sincère exige une population informée. Pas un débat émotionnel, mais un vote rationnel sur l’avenir institutionnel du territoire.
Un État ferme sur la sécurité : pas de nouvelle prison, mais un plan réaliste
Face aux questions des sénateurs, Naïma Moutchou a également clarifié un sujet explosif : l’abandon du projet de nouvelle prison en Nouvelle-Calédonie. Elle l’assume : construire un établissement neuf sur la presqu’île de Ducos coûterait 500 (60 milliards de francs CFP) à 800 millions d’euros (96 milliards de francs CFP) et demanderait 7 à 10 ans de chantier, dans un territoire où le foncier manque et où la surpopulation carcérale atteint des niveaux intolérables.
Dans une ligne résolument pragmatique, la ministre rejette le “doux rêve” d’un méga-chantier irréaliste. À la place, elle défend une solution plus efficace et immédiate : la création d’un centre de semi-liberté, afin de soulager le Camp-Est, d’extraire 50 à 100 profils des cellules saturées et de renforcer les activités d’insertion pour les détenus les moins dangereux.
Cette stratégie, appuyée par le procureur Yves Dupas, est simple : désencombrer, encadrer, réinsérer et éviter que les équipes pénitentiaires ne continuent de travailler dans des conditions intenables. Un discours de fermeté et de réalisme, loin des promesses intenables du passé.
À travers son audition, Naïma Moutchou a envoyé un signal politique clair : l’État reprend la main, assume ses choix et refuse de laisser la Nouvelle-Calédonie s’enliser dans l’ambiguïté institutionnelle ou sécuritaire. Accord de Bougival, consultation citoyenne, corps électoral spécial, document d’information, centre de semi-liberté : les décisions se structurent, les échéances se rapprochent et la logique de responsabilité reprend enfin le dessus.
Si la consultation se tient en mars, comme annoncé, ce sera un moment de vérité pour un territoire qui a trop longtemps vécu dans l’incertitude. L’heure n’est plus aux incantations : elle est au choix, à la clarté et à la cohérence.















