Deux signaux d’alarme retentissent : la dette explose et le temps presse pour sauver ce qui peut encore l’être.
Face à un mur budgétaire, l’exécutif calédonien choisit enfin la franchise et secoue l’État.
Une dette hors de contrôle qui menace l’action publique
Impossible de masquer plus longtemps l’ampleur du gouffre. La dette calédonienne culmine désormais à 360 %, un niveau inédit qui asphyxie les marges de manœuvre et paralyse la relance économique. À l’origine : les prêts garantis par l’État, contractés pour éteindre les crises successives celle du Covid, puis les émeutes de 2024 qui ont ravagé le territoire et englouti des milliards.
Christopher Gygès, membre du gouvernement en charge de l’économie et du budget, a tranché : il a adressé un courrier officiel à l’Agence française de développement pour demander la suspension temporaire du remboursement des prêts en cours. Une requête sèche, assumée, adressée également au Premier ministre afin de rappeler l’urgence et la légitimité d’un territoire exsangue.
Pour le gouvernement, cette pause n’est pas un caprice mais un impératif vital. Elle est jugée « indispensable pour garantir la continuité des services publics essentiels », préserver la stabilité des institutions et permettre le déroulement fluide des chantiers de reconstruction encore enlisés quatorze mois après les violences. Dans un contexte où certains taux d’intérêt dépassent 4,5 %, chaque échéance pèse comme une enclume sur un budget 2026 déjà impossible à boucler.
La demande s’applique aux prêts Covid comme au prêt massif de 120 milliards de francs contracté en mars 2025 pour absorber le choc économique post-émeutes. Pour Gygès, impossible de continuer à rembourser alors que « le pays a perdu 15 % de son PIB » et que la priorité doit rester la relance des entreprises, le financement des régimes sociaux et le maintien de l’ordre financier. Une position réaliste, loin de toute posture victimaire, et qui assume clairement un principe : on ne dépense pas ce qu’on n’a pas.
Le gouvernement réclame un vrai contrat de désendettement
Derrière cette demande, un objectif politique assumé : obtenir, enfin, un contrat de désendettement digne de ce nom. Le gouvernement ne tourne plus autour du pot : tant que le futur pacte de refondation reste en discussion, la Nouvelle-Calédonie n’a aucune raison de continuer à rembourser des prêts qui pourraient être convertis en subventions.
Gygès le dit clairement : sans réponse rapide de l’AFD et de l’État, le budget 2026 ne pourra pas être construit dans des conditions responsables. Les équipes économiques planchent sur un budget déjà saturé de charges fixes, plombé par les échéances de prêts et miné par la contraction historique de l’activité. Suspendre ces remboursements, même pour une seule année, donnerait l’oxygène nécessaire à un territoire qui se serre la ceinture depuis trop longtemps.
Au-delà de la technique budgétaire, cette démarche marque un tournant politique : la ligne droite assumée d’un exécutif qui refuse la spirale de la dette et exige une réponse ferme de Paris. La période où l’on courbait l’échine face aux décisions de l’AFD semble terminée.
À Paris, le ton change : Metzdorf pousse, le gouvernement écoute
À l’Assemblée nationale, le député Nicolas Metzdorf mène le combat. En séance comme en commission, il a interpellé sans relâche la ministre et les services concernés sur l’état réel des finances calédoniennes. Ses efforts portent enfin leurs fruits.
Premier signal : la ministre reconnaît que les prêts et avances remboursables ne sont plus adaptés à la situation. Une prise de position cruciale, qui ouvre la voie à un changement stratégique. Elle renvoie désormais les décisions finales à Sébastien Lecornu et Naïma Moutchou, signe que le dossier est monté au plus haut niveau. Des annonces sont attendues « dans les prochains jours ».
Deuxième signal : la commission des finances a validé la demande de Metzdorf d’établir un point annuel sur l’évolution du soutien financier apporté à la Nouvelle-Calédonie. Une avancée politique majeure : désormais, le coût réel des prêts, leur efficacité, leur pertinence et leur éventuelle transformation seront examinés régulièrement. Une victoire de méthode, mais aussi de rigueur.
Metzdorf l’a résumé dans une formule simple :
On finira par les obtenir, ces subventions. Cela prendra le temps qu’il faudra, mais on les aura.
Une ligne claire, déterminée, qui tranche avec l’attentisme des années précédentes.
Le climat politique a changé : Paris ne nie plus la réalité, et Nouméa ne s’excuse plus de demander ce qui est nécessaire pour survivre.















