La Polynésie française n’est pas qu’une carte postale. Elle est un territoire stratégique où se joue une bataille silencieuse mais décisive : celle de l’alimentation, de la santé publique et de la souveraineté économique. Du 25 au 27 novembre 2025, Tahiti accueillera un colloque international et pluridisciplinaire consacré à l’alimentation et au tourisme culinaire en Océanie, réunissant chercheurs, institutions et acteurs professionnels autour d’un enjeu devenu vital pour les sociétés insulaires.
Organisé par le CMQP Hôtellerie et Restauration du Pacifique, le CETOP, le CESMI et le Centre Gouvernance et Développement Insulaire, en partenariat avec l’Université de la Polynésie française, cet événement s’inscrit dans une volonté claire : remettre la production locale au cœur du modèle alimentaire polynésien.
Une Océanie sous perfusion alimentaire : l’urgence d’un sursaut
La Polynésie française, comme l’ensemble de l’Océanie, subit une transformation radicale de ses habitudes alimentaires. Les produits ultra-transformés importés ont progressivement remplacé les ressources locales, fragilisant à la fois la santé des populations et l’autonomie des territoires.
L’augmentation préoccupante de l’obésité ne relève pas d’un hasard nutritionnel, mais d’un modèle économique dépendant qui affaiblit la capacité des îles à produire pour elles-mêmes.
Face à ce constat, le colloque entend poser un diagnostic clair, fondé sur des données vérifiables et une approche scientifique rigoureuse, loin de tout discours victimaire ou politisé.
Il vise une reconquête méthodique de l’assiette polynésienne par la réhabilitation des produits du terroir, des savoir-faire traditionnels et des circuits courts.
L’économie bleue, pilier d’une souveraineté alimentaire assumée
Au cœur des échanges, le concept d’économie bleue occupe une place centrale. Il s’agit de valoriser les ressources marines et lagonaires tout en garantissant leur exploitation responsable.
La pêche, l’aquaculture, le tourisme maritime et la biodiversité sont envisagés non comme des ressources à exploiter aveuglément, mais comme des leviers de développement structuré, générateurs d’emplois locaux et de sécurité alimentaire durable.
Ce colloque s’inscrit dans une logique de réappropriation territoriale, où la Polynésie ne subit plus mais décide de son modèle alimentaire et touristique.
Du lagon à l’assiette, l’objectif est de renforcer un art culinaire polynésien enraciné, stratégique, exportable et porteur d’identité.
Des experts engagés pour une vision pragmatique et non idéologique
Parmi les intervenants invités figurent des personnalités reconnues pour leur expertise et leur engagement concret.
Le chef Robert Olivier, fondateur de Pacific Island Food Revolution, défend une alimentation saine reposant sur la valorisation des produits locaux et l’éducation nutritionnelle des populations insulaires.
Christophe Serra-Mallol, enseignant-chercheur à l’ISTHIA et membre du CERTOP, analyse les pratiques alimentaires en Océanie sous l’angle des inégalités sociales et de la qualité de vie, apportant une lecture scientifique des transformations sociétales.
Laurence Tibère, professeure de sociologie à l’Université de Toulouse – Jean-Jaurès et représentante de l’IRD à La Réunion, apporte une expertise rigoureuse sur les dynamiques culturelles et les mutations alimentaires dans les territoires ultramarins.
Le colloque ambitionne ainsi de créer un espace d’échanges régionaux structuré, fondé sur des solutions concrètes, loin des effets de communication et des discours idéologiques.
Il s’agit de rendre à la Polynésie la maîtrise de son destin alimentaire en assumant une vision pragmatique, locale et enracinée.
Dans un monde globalisé où la standardisation menace les identités, Tahiti choisit de faire de son patrimoine culinaire une arme stratégique de développement, de santé publique et de souveraineté territoriale.
Ce colloque ne se limite pas à un événement académique : il incarne une volonté politique, économique et culturelle de renouer avec la réalité du sol, du lagon et des traditions.
La Polynésie ne demande pas l’assistance. Elle réclame la reconnaissance de sa capacité à préserver, produire et transmettre un modèle alimentaire responsable et identitaire.


















