Ici, la population vieillit et les besoins explosent, mais les moyens, eux, se rétractent. Au milieu de cette contradiction, l’ACAPA, l’Association calédonienne d’aide aux personnes âgées, vient de célébrer ses 50 ans. Un anniversaire à la fois joyeux et lucide : la maison de loisirs pour seniors reste un lieu vital contre l’isolement, mais elle vit désormais au jour le jour, portée par quelques salariés et une armée de bénévoles.
Une maison de loisirs, pas une maison de retraite
Contrairement à une idée tenace, l’ACAPA n’est pas un établissement médicalisé ni un foyer d’hébergement. C’est avant tout un centre de loisirs pour personnes de 60 ans et plus, ouvert à tous, qu’ils soient à l’aise financièrement ou très modestes.
On y vient pour rompre la solitude, retrouver une ambiance de groupe, participer à des activités et garder une place active dans la société. La priorité reste la même depuis l’origine : éviter que des personnes âgées restent enfermées chez elles, coupées de tout.
Le public a lui aussi évolué. Là où la moyenne d’âge tournait autrefois autour de 70–75 ans, la structure accueille aujourd’hui de nombreuses personnes de 85 à plus de 95 ans, avec parfois des centenaires. Le défi est donc double : préserver le lien social tout en adaptant les activités à des publics plus âgés, parfois fragilisés physiquement.
Une histoire née dans les rues de Nouméa
Avant d’obtenir sa maison actuelle au faubourg Blanchot, l’ACAPA est d’abord née d’un constat de terrain. Il y a un demi-siècle, des assistantes sociales parcouraient Nouméa et découvraient des personnes âgées démunies et isolées, vivant repliées chez elles, sans visites ni soutien régulier.
De ces tournées est née l’idée d’un lieu dédié aux aînés : un espace où ils puissent parler, se rencontrer, partager un café, aborder leurs difficultés matérielles ou personnelles.
L’association a d’abord occupé un petit appartement dans les tours de Magenta, mis à disposition par la CAFAT, rapidement devenu trop exigu. Elle s’est ensuite installée dans une petite maison rue de Sébastopol, toujours grâce à la CAFAT, avant d’être contrainte de la quitter lorsque l’organisme a repris le bâtiment.
La solution viendra d’un terrain au faubourg Blanchot, offert pour y construire une vraie « maison des aînés ». Au prix d’un travail acharné de recherche de financements, cette maison, inaugurée au milieu des années 1990, reste aujourd’hui le cœur battant de la CAPA.
Activités, convivialité et santé : comment l’ACAPA fait reculer l’isolement
Au quotidien, l’ACAPA fonctionne comme un club de vie très structuré. Du lundi au jeudi, la maison propose un programme dense d’animations :
- jeux de société, tarot, belote et rencontres conviviales ;
- yoga sur chaise pour les personnes ayant des difficultés motrices ;
- ateliers mémoire pour entretenir les capacités cognitives ;
- cours de gymnastique adaptée ;
- atelier couture, qui génère aussi une partie des recettes de l’association ;
- séances de ukulélé et danses tahitiennes, très prisées des adhérentes.
Ces activités ne se résument pas à un simple loisir. Elles redonnent confiance, recréent une routine, encouragent la mobilité et la socialisation. Certaines familles ont vu leurs proches changer du tout au tout après quelques mois de fréquentation : plus de parole, plus de sourires, une meilleure hygiène de vie, plus d’envie de sortir.
Les pique-niques à la Baie des Citrons, organisés avec les seuls minibus de l’association et les voitures personnelles, restent des moments forts : danse tahitienne sur le sable, baignades, repas partagés… même lorsque les moyens ne permettent plus de grands déplacements en brousse ou hors du territoire.
Moins de subventions, plus de bénévolat : un modèle sous tension
Si l’ACAPA tient encore debout, c’est au prix d’une adaptation permanente. Les subventions ont diminué ces dernières années, comme pour beaucoup d’associations. Les aides publiques servent désormais essentiellement à payer le personnel, les charges sociales et le fonctionnement minimal.
Pour le reste, il faut se débrouiller. L’association multiplie les ressources complémentaires :
- dons alimentaires (notamment via Saint-Vincent de Paul) pour fournir des repas et des petits déjeuners ;
- lotos, kermesses, vide-greniers et marchés pour dégager quelques recettes ;
- travail de couture rémunéré comme micro-ressource financière.
Là où certaines activités étaient encadrées par des professionnels payés (chant, théâtre, danse), tout repose désormais sur le bénévolat. Le professeur de chant a été remplacé par des amateurs engagés ; la gymnastique est assurée par un ancien gardien de 85 ans, toujours capable de faire le grand écart et devenu une véritable figure du lieu ; les danses tahitiennes sont animées par la gardienne, ancienne professeure.
La maison tourne, mais à flux tendu. Les projets de grande envergure, voyages en brousse, escapades à l’Île des Pins ou à l’étranger, ne sont plus possibles faute de moyens pour louer des cars ou financer la logistique.
Un 50e anniversaire comme manifeste : diversité, dignité et bien vieillir
Les 50 ans de l’ACAPA, célébrés à la mairie de Nouméa, ont été pensés comme un symbole : montrer que la vieillesse peut rimer avec fierté et joie, même dans un contexte difficile.
L’événement a pris la forme d’une élection de « mamies des 50 ans », la première depuis l’an 2000. Neuf grands-mères, représentant neuf ethnies différentes du territoire, ont défilé en tenue traditionnelle, incarnant la diversité culturelle calédonienne.
La fête a mêlé animations musicales, groupe de tahitiennes, ukulélés, bal et cocktail dînatoire. Des enfants sont venus remettre les prix aux « mamies », créant une vraie rencontre intergénérationnelle. Pour les participantes comme pour le public, l’enjeu allait au-delà du divertissement : se réapproprier son image, cultiver l’estime de soi, rappeler que prendre soin de son apparence et de sa santé fait partie intégrante du « bien vieillir ».
Appel aux dons et aux bénévoles : sans soutien, l’ACAPA ne tiendra pas seule
Derrière les sourires et les chansons, le message reste clair : l’ACAPA a besoin d’aide.
L’association manque de bras lors des grands événements pour installer les salles, déplacer les tables, accompagner les personnes à mobilité réduite, gérer la décoration ou l’accueil. Elle a aussi besoin de dons, alimentaires ou financiers, pour continuer à offrir des repas, maintenir ses activités et préserver un tarif accessible aux retraités les plus modestes.
Les portes de la maison sont ouvertes tous les matins, et une permanence est assurée jusqu’en fin d’après-midi pour l’accueil du public. Dans un pays où la proportion de seniors augmente rapidement, ce type de structure associative n’est plus un « plus », mais un maillon essentiel pour éviter que la vieillesse ne rime avec abandon.
La présidente de l’assemblée de la province Sud, Sonia Backes, a rendu visite le mois dernier aux seniors accueillis par l’ACAPA. L’après-midi a été marqué par des échanges chaleureux et des moments de convivialité autour de jeux. L’association, véritable lieu de vie dédié au bien-être des personnes âgées et à la lutte contre leur isolement, bénéficie exclusivement du soutien financier de la province Sud, qui réaffirme son engagement malgré un contexte budgétaire difficile.
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