Deux millions de Français sous traitement, des décès en hausse, une dépendance qui s’installe.
La France n’est pas encore confrontée à une crise du fentanyl comparable à celle des États-Unis, mais le danger est bien réel.
Face à la banalisation des opioïdes, un rapport sénatorial alerte et appelle l’État à serrer la vis.
Une consommation en hausse, des risques bien réels
En 2024, 12 millions de Français se sont vu prescrire des antalgiques opioïdes. Si leur usage reste minoritaire par rapport aux médicaments non opioïdes (22 % contre 78 %), la tendance est claire : année après année, la dépendance gagne du terrain. Les opioïdes forts, classés pour la plupart comme stupéfiants, ont explosé : +59 % de ventes entre 2010 et 2023.
Les conséquences se lisent dans les chiffres : les mésusages et les dépendances ont doublé entre 2006 et 2015, les hospitalisations liées aux opioïdes ont bondi de 167 % entre 2000 et 2017, et les décès ont augmenté de 20 % entre 2018 et 2022.
Le Sénat dénonce une « banalisation » de la prescription, devenue un réflexe médical, parfois sans explication claire des risques pour les patients. Près d’un usager sur deux sous tramadol aurait des difficultés à arrêter son traitement.
Encadrer les prescriptions : la ligne de fermeté
Face à cette dérive, les autorités sanitaires durcissent les règles. Depuis 2017, tout opioïde nécessite une prescription médicale. Et depuis mars 2025, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) impose :
des ordonnances sécurisées pour le tramadol et la codéine, mentionnant dosage, posologie et durée ;
une durée maximale de trois mois pour la codéine et le tramadol ;
une durée maximale d’un mois pour les stupéfiants comme la morphine, l’oxycodone ou le fentanyl.
Cette rigueur est essentielle. Car si les opioïdes sont indispensables dans la prise en charge des douleurs sévères – notamment dans le cadre des cancers – leur abus menace directement la vie des patients. Aux États-Unis, l’épidémie de fentanyl fait plus de 100 000 morts par an. La France ne veut pas connaître le même désastre.
Nouvelle-Calédonie : un contrôle strict mais des usages qui évoluent
En Nouvelle-Calédonie, l’importation des stupéfiants est encadrée par la Convention unique de 1961 et suivie de près par la DASS-NC et l’ANSM. Chaque importation fait l’objet d’un certificat officiel et d’un suivi précis auprès de l’Organe international de contrôle des stupéfiants (OICS).
Les opioïdes y sont principalement utilisés pour le traitement de la douleur. La morphine et le fentanyl (sous forme de patchs transdermiques) dominent largement, surtout chez les malades atteints de cancer. La consommation d’oxycodone, introduite en 2005, reste faible mais progresse fortement depuis 2009.
À noter également : la méthadone, introduite en 2002 pour traiter la dépendance aux opiacés, connaît une progression, reflétant une meilleure prise en charge des patients. Parallèlement, l’usage de psychotropes comme le méthylphénidate (troubles psychiatriques) et des somnifères (zopiclone, loprazolam, lormétazépam) explose, conséquence des restrictions sur d’autres molécules.
En France comme en Nouvelle-Calédonie, la question est claire : comment soulager la douleur sans ouvrir la porte à une crise sanitaire ? Aujourd’hui, seulement 37 % des patients souffrant de douleurs chroniques se disent satisfaits de leur traitement.
Le rapport du Sénat appelle à un nouveau plan national de lutte contre la douleur, le dernier datant de 2006-2010. Mais il insiste : pas question de tomber dans l’angélisme. La dépendance aux opioïdes doit être combattue avec fermeté.