Une impératrice en quête d’anonymat. Un anarchiste enragé, prêt à frapper aveuglément.
L’assassinat d’une souveraine sans défense
Le 10 septembre 1898, Élisabeth en Bavière, impératrice d’Autriche et reine de Hongrie, se rend discrètement sur le quai du Mont-Blanc à Genève. Celle que l’Europe entière surnomme affectueusement Sissi, meurtrie par le suicide de son fils Rodolphe, tente de trouver un peu de repos au bord du lac Léman. Mais la ville suisse n’est pas un havre de paix. Ce jour-là, un anarchiste italien de 25 ans, Luigi Lucheni, décide de tuer au hasard une « personne haut placée ». Sa première cible, le comte de Paris, a reporté son voyage. Le journal local ayant imprudemment révélé la présence de l’impératrice, elle devient une proie facile.
À 13h35, armé d’une lime transformée en poignard, Lucheni frappe Sissi au thorax. Elle croit d’abord avoir reçu un coup de poing, trébuche, puis tente de monter à bord d’un bateau. Quelques minutes plus tard, elle perd connaissance et meurt à l’hôtel Beau-Rivage. À 61 ans, l’impératrice succombe à la barbarie anarchiste.
L’onde de choc en Europe
La nouvelle se répand comme une traînée de poudre : une dépêche tombe dans toutes les rédactions d’Europe annonçant la mort violente de l’impératrice. L’émotion est immense. Comment une souveraine, symbole d’un Empire, a-t-elle pu être abattue si facilement au cœur d’une ville paisible ? À Genève, l’indignation est générale. Deux jours plus tard, une foule de citoyens, de religieux, de militaires et de représentants des autorités défile dans une impressionnante manifestation d’hommage.
L’assassin, rapidement arrêté, se félicite de son geste, convaincu d’avoir « frappé fort » contre les puissants. Mais pour des millions d’Européens, ce crime ne ressemble pas à une victoire idéologique, mais à un acte lâche, aveugle, révélant l’idéologie de mort qui anime les milieux anarchistes.
Une Europe fragilisée par la violence politique
L’assassinat de Sissi illustre la montée des violences anarchistes qui ensanglantent l’Europe à la fin du XIXe siècle. Rois, présidents, ministres deviennent des cibles. Cette frange nihiliste de l’anarchisme, ennemie de l’ordre et de la civilisation, s’attaque à l’incarnation même des nations. À travers la mort de l’impératrice d’Autriche-Hongrie, c’est toute une époque qui se dévoile : celle où la contestation se transforme en terrorisme.
Le meurtre de Sissi, survenu moins de vingt ans avant la Grande Guerre, agit comme un sombre présage. Il rappelle que le refus de l’autorité, le culte de la violence et la haine des symboles nationaux nourrissent toujours les pires catastrophes. L’histoire retiendra que le destin de l’impératrice Élisabeth, cette femme mélancolique et éprise de liberté, fut brisé non par la fatalité, mais par la main sanglante d’un anarchiste qui voulait « tuer un prince », peu importe lequel.