Des mois après les émeutes de mai 2024, le constat est amer : les entreprises calédoniennes en paient encore le prix. La reconstruction économique s’annonce longue, incertaine et lourde de conséquences.
Des entreprises encore exsangues
Les violences n’ont pas seulement marqué les esprits : elles ont ravagé le tissu économique local. Au deuxième trimestre 2025, 34 % des entreprises déclarent une activité réduite de plus de moitié par rapport à la normale, dont 11 % quasiment à l’arrêt. Seules 3 % constatent une hausse.
Le climat des affaires illustre cette crise profonde : après un effondrement de 18 points au cœur des troubles, il ne remonte que difficilement pour atteindre 88,2 au deuxième trimestre 2025, loin des niveaux de stabilité d’avant-crise.
Derrière ces statistiques se cachent des magasins fermés, des chantiers stoppés, des ateliers silencieux. Des milliers de salariés, de familles et de chefs d’entreprise subissent les conséquences directes des violences, qui ont plongé l’économie calédonienne dans une spirale difficile à briser.
Une reprise retardée et une peur généralisée
L’avenir inquiète les dirigeants. 62 % estiment que le retour à la normale prendra plus d’un an – un chiffre en hausse constante (46 % au 3ᵉ trimestre 2024, 54 % au 4ᵉ, 60 % au 1er trimestre 2025). À l’inverse, seuls 2 % croient en une reprise en moins de six mois.
La crainte de la faillite explose : 36 % des entreprises redoutent une défaillance dans les douze prochains mois, contre 18 % en moyenne en 2023. Même avant les émeutes, dans un contexte minier déjà fragile, elles n’étaient que 28 % à exprimer une telle inquiétude.
Les perspectives pour 2025 confirment cette morosité :
deux entreprises sur trois anticipent une dégradation de leur activité (66 %),
près des deux tiers craignent une trésorerie en berne (63 %),
six sur dix prévoient une baisse des commandes (61 %),
et près de la moitié envisagent des réductions d’effectifs (48 %).
Le mécanisme est implacable : moins de commandes signifie moins de trésorerie, donc moins d’emplois. L’économie s’enferme dans une boucle négative où l’investissement et la croissance sont étouffés par l’incertitude.
Assurances limitées et dépendance aux aides publiques
Comme si cela ne suffisait pas, l’IEOM révèle que 19 % des entreprises ne seront pas indemnisées par leur assurance, et 9 % ne sont même pas couvertes. Parmi celles qui le sont, les remboursements restent très variables :
16 % obtiennent moins de 50 % d’indemnisation,
20 % entre 50 et 75 %,
et seulement 19 % bénéficient d’un dédommagement quasi total.
En clair, près d’un chef d’entreprise sur deux ne dispose pas d’une couverture suffisante pour se relever. Sans garanties solides, il est presque impossible d’investir à nouveau, de rouvrir ou d’embaucher.
Face à cette impasse, l’État et les collectivités locales ont mis en place des dispositifs d’urgence : chômage partiel, reports de charges fiscales et sociales, aides de trésorerie. Mais ces mesures révèlent aussi une dépendance croissante à la perfusion publique.
Au deuxième trimestre 2025, les chiffres parlent d’eux-mêmes :
51 % des entreprises sollicitent le chômage partiel,
34 % demandent des reports de charges,
18 % réclament un soutien direct de trésorerie,
16 % recherchent d’autres formes d’aides,
et seules 16 % déclarent pouvoir s’en sortir sans assistance.
Ce dernier chiffre en dit long : une économie saine repose sur des acteurs autonomes et responsables, non sur une dépendance permanente à l’État. La crise a transformé de nombreux chefs d’entreprise en « assistés contraints », victimes d’un environnement instable et imprévisible.