Un rapport accablant met en lumière les failles de l’action publique. La Cour des comptes rappelle à l’État que la pauvreté ne se combat pas avec des slogans.
Des milliards dépensés pour une politique sans cap
Dans ses observations publiées le 4 septembre 2025, la Cour des comptes frappe fort. Les magistrats financiers dénoncent des objectifs « difficilement lisibles » et des résultats « mal mesurés » concernant la lutte contre la pauvreté en France. Un constat glaçant : malgré les milliards engloutis dans des dispositifs épars, sans vision claire ni évaluation sérieuse de leur efficacité.
La Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté (SNPLP), lancée en 2018 avec un budget colossal de 8,15 milliards d’euros (978 milliards de francs CFP), n’a pas tenu ses promesses. Elle n’a couvert qu’une partie de l’action publique et a laissé de côté les plans sectoriels, comme l’hébergement d’urgence ou l’accès au logement. Pire encore, cette stratégie n’a pas intégré les priorités nées des crises successives : gilets jaunes, Covid-19, inflation galopante.
La Cour des comptes déplore également la faiblesse de l’évaluation. Les conventions d’appui à la lutte contre la pauvreté et d’accès à l’emploi (Calpae), censées apporter cohérence et efficacité, n’ont produit que des résultats « mitigés ». Beaucoup de départements ont constaté quelques progrès, mais l’ensemble reste très loin des objectifs affichés. Le pilotage interministériel, lui, a fini par s’affaiblir jusqu’à devenir quasi symbolique.
Une pauvreté en hausse malgré les milliards engloutis
Les chiffres publiés par l’Insee sont implacables. En 2023, 9,8 millions de Français vivaient sous le seuil de pauvreté, fixé à 1 288 euros (154 560 francs CFP) mensuels pour une personne seule. Cela représente 15,4 % de la population, soit une progression de 0,9 point en un an. Jamais depuis 1996 la pauvreté n’avait atteint un tel niveau.
La réalité est simple : malgré les milliards déversés, la pauvreté s’installe et progresse. La France dépense sans compter, mais l’efficacité est aux abonnés absents. À force de multiplier les dispositifs sans cohérence, l’État entretient un système d’assistanat coûteux et inefficace, incapable de sortir durablement les plus fragiles de leur condition.
Le Pacte des solidarités, mis en place en 2023 pour remplacer la SNPLP, n’a fait que recycler d’anciennes mesures, un budget de 1,1 milliard d’euros (132 milliards de francs CFP) en 2024. Pas de vision stratégique, pas de cap : simplement une série d’initiatives locales, différentes selon les départements, qui diluent les moyens et empêchent toute cohérence nationale.
Les magistrats financiers mettent en garde : l’État se contente d’accompagner des chantiers déjà existants, au lieu de bâtir une véritable politique de redressement. Résultat : la pauvreté continue de frapper toujours plus de foyers, sans perspective de recul.
La Cour appelle à un État enfin responsable et efficace
La Cour des comptes ne se contente pas de dresser un constat : elle formule des recommandations précises. Elle appelle d’abord à définir un agrégat stable des moyens consacrés à la lutte contre la pauvreté, afin d’éviter les bilans trompeurs et les financements dispersés. Elle réclame aussi une évaluation sérieuse, confiée au Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale.
Les magistrats préconisent une réorganisation administrative en profondeur. Il s’agit d’unifier le pilotage au sein du ministère, de confier aux directions départementales de l’emploi et des solidarités (Ddets) la gestion des contrats locaux, et de reconfigurer le réseau des commissaires régionaux. Autrement dit : mettre fin à la confusion et au saupoudrage.
Ce rapport met l’État face à ses contradictions. On ne combat pas la pauvreté à coup de slogans généreux et de milliards mal dépensés. La France doit choisir : soit continuer à entretenir une politique d’assistanat inefficace, soit engager une véritable stratégie de responsabilisation et de retour à l’emploi.
Le message de la Cour est clair : l’argent public doit cesser d’être dilapidé dans des dispositifs sans résultats. Les Français, eux, attendent des politiques concrètes, exigeantes, qui redonnent valeur au travail et garantissent que chaque euro investi serve réellement à sortir durablement les citoyens de la précarité.