Jakarta saisit la mine Weda Bay : coup de force politique, risque économique et dépendance accrue à la Chine.
Un coup de semonce aux allures de coup de force
Près de 150 hectares de la mine de Weda Bay Nickel, l’un des plus grands gisements de nickel au monde, ont été saisis par les autorités indonésiennes. Motif : l’absence de permis forestier. Un geste spectaculaire, salué comme une fermeté environnementale. Mais la réalité est plus complexe : la concession s’étend sur 47 000 hectares, et cette saisie ciblée ressemble davantage à une démonstration politique qu’à une réforme de fond.
L’insécurité juridique, poison pour la filière
Depuis des années, Jakarta envoie des signaux contradictoires. Après avoir interdit l’exportation du minerai brut en 2020, décision déjà condamnée à l’OMC, voici maintenant les saisies pour « non-conformité forestière ». Résultat : un climat d’insécurité réglementaire qui fait fuir les capitaux. Chaque revirement, chaque coup de menton administratif alourdit le coût du capital et retarde les projets de raffinage. Une hérésie pour un pays qui veut devenir le centre mondial des batteries électriques.
Les investisseurs occidentaux sur la touche, la Chine en embuscade
À force d’instabilité, l’Indonésie obtient l’effet inverse de celui recherché : au lieu de diversifier ses partenaires, elle renforce le poids écrasant des groupes chinois, déjà ultradominants dans le nickel local. Les investisseurs occidentaux — banques, fonds, industriels — se retirent ou gèlent leurs engagements, laissant Pékin avancer ses pions. Moins de concurrence, moins de souveraineté : c’est le grand paradoxe de Jakarta.
Des promesses ESG qui sonnent creux
Certes, sanctionner un défaut de permis forestier donne l’illusion d’un sursaut écologique. Mais sur le terrain, les ONG rappellent que la communauté Hongana Manyawa, l’une des dernières tribus de chasseurs-cueilleurs isolées, voit sa forêt disparaître. Saisir 148 hectares n’y change rien. Pire : cette instabilité dissuade les acteurs prêts à investir dans la consultation locale et la restauration environnementale. Résultat, les grands fonds comme le fonds souverain norvégien tournent le dos, jugeant le risque trop élevé.
Une ressource stratégique malmenée
Premier producteur et détenteur des plus grandes réserves mondiales, l’Indonésie détient une arme stratégique : le nickel, indispensable aux batteries électriques. Mais à force de coups d’éclat mal calibrés, elle sape la confiance et nourrit la volatilité mondiale. À chaque saisie, les cours s’envolent, les chaînes de valeur des gigafactories se crispent, et la transition énergétique ralentit.
Le verdict
En voulant montrer sa force, l’Indonésie prend le risque de tout perdre : des investisseurs refroidis, une filière désorganisée, une dépendance accrue à la Chine. Un coup politique, oui. Une bonne idée économique et industrielle ? Non.