L’Indo-Pacifique vit une course aux armements sans équivalent depuis la Guerre froide. La région est devenue l’épicentre de rivalités où la Chine s’impose par une expansion militaire fulgurante, tandis que ses voisins et alliés occidentaux tentent de contenir son influence. Des milliards de dollars sont injectés dans les flottes navales, les missiles de longue portée et la défense antimissile. Résultat : l’équilibre stratégique mondial est en train de basculer dans les eaux les plus disputées de la planète.
Chine : l’hégémonie militaire affirmée
Pékin concentre à lui seul 45 % des dépenses militaires régionales. Avec un budget officiel de 233,47 milliards de dollars, jugé largement sous-estimé, la Chine multiplie les démonstrations de force : double exploitation de porte-avions, exercices navals massifs et une enveloppe estimée à 15,3 milliards de dollars rien qu’en 2023 pour ses manœuvres dans le Pacifique. À travers cette stratégie, Pékin envoie un message clair : sa volonté de dominer la région et de contester l’ordre international porté par les démocraties.
Les alliés occidentaux : riposte coordonnée
Face à cette poussée chinoise, les alliés occidentaux renforcent leur posture.
Australie : membre clé du pacte Aukus avec Washington et Londres, Canberra mise sur les sous-marins nucléaires. 8 milliards de dollars vont moderniser le chantier naval de Perth, pivot stratégique pour la maintenance de cette flotte d’élite. À plus long terme, l’Australie entend projeter sa puissance dans tout le Pacifique Sud.
Japon : dans une rupture historique avec son pacifisme d’après-guerre, Tokyo a validé un budget record de 55,9 milliards de dollars en 2024 (+16,5 %), intégré dans un plan de 292 milliards sur cinq ans. L’objectif : se doter de missiles à longue portée et d’une défense antimissile sophistiquée, capables de dissuader à la fois Pékin et Pyongyang.
États-Unis : Washington reste l’architecte de la dissuasion régionale. Le Pacific Deterrence Initiative reçoit 9,9 milliards de dollars, auxquels s’ajoutent 10,7 milliards de crédits supplémentaires. En parallèle, le Pentagone déploie un plan colossal de 150 milliards de dollars couvrant infrastructures, défense nucléaire et capacités industrielles. L’Amérique confirme ainsi que l’Indo-Pacifique est sa priorité stratégique numéro un.
Les puissances régionales : vigilance accrue
Taïwan : encerclé quotidiennement par les manœuvres chinoises, Taipei prépare une montée en puissance budgétaire sans précédent : plus de 3 % du PIB consacrés à la défense d’ici 2026, avec un cap fixé à 5 % d’ici 2030. L’île veut renforcer sa capacité à tenir face à une éventuelle invasion.
Corée du Sud : Séoul doit faire face à deux menaces simultanées : Pyongyang et Pékin. Un plan massif de 222 milliards de dollars sur 2021–2025 est engagé, avec une montée progressive à 50,1 milliards par an en 2030. Les priorités portent sur la cybersécurité, les armes de précision et une armée plus résiliente.
Une révolution technologique en cours
La bataille ne se joue pas seulement sur les arsenaux visibles. Les nouvelles technologies pourraient bouleverser l’avenir des océans. Des programmes de détection sous-marine avancée sont à l’étude : réseaux sonar géants, capteurs quantiques, satellites capables de lire les perturbations de surface, ou encore analyses massives par intelligence artificielle. Ces innovations pourraient rendre les mers, longtemps perçues comme opaques, partiellement transparentes. Si les zones côtières et les routes stratégiques deviennent hyper-surveillées, les abysses pourraient rester l’ultime refuge invisible.