Un prêt colossal, une dette qui s’alourdit et un avenir budgétaire suspendu aux décisions de Paris.
C’est l’heure de vérité pour la Nouvelle-Calédonie et ses élus.
Prêt garanti par l’État : un milliard d’euros pour sauver le Caillou
La commission des finances et du budget du boulevard Vauban se réunira ce lundi 29 septembre 2025 à 13h30 dans l’hémicycle pour examiner un texte capital : le projet de délibération habilitant le président du gouvernement à signer les conventions relatives au second prêt garanti par l’État, contracté auprès de l’Agence française de développement (AFD) après la crise de mai 2024.
Ce prêt fait partie d’une enveloppe d’un milliard d’euros (119,3 milliards F CFP) accordée par l’État français dans la loi de finances du 14 février 2025. Son but : stabiliser les comptes publics, rétablir l’équilibre des régimes sociaux et garantir la sécurisation du système électrique.
Une première tranche de 560 millions d’euros (66,8 milliards F CFP) a déjà été versée en mars 2025. Mais cette aide, vitale pour le territoire, est assortie de conditions strictes : hausse de la contribution calédonienne de solidarité (CCS), interdiction de réduire les recettes publiques ou d’augmenter fortement les dépenses, et adoption d’un programme de réformes budgétaires et fiscales.
En août, le Congrès a validé un plan conforme aux exigences de Paris. Résultat : une seconde tranche de 240 millions d’euros (28,6 milliards F CFP) a été débloquée. Mais l’État a rappelé son autorité : seuls 219 millions d’euros (26,2 milliards F CFP) seront versés directement à la collectivité, tandis que 21 millions d’euros (2,5 milliards F CFP) seront fléchés vers un dispositif de solidarité républicaine (soutien aux communes, transport et cantines scolaires, jeunesse).
Des conditions financières implacables
Le second prêt n’est pas une manne gratuite. Ses modalités sont précises et engageantes :
Durée maximale : 25 ans
Taux fixe : Euribor + 1,75 % (soit 4,54 % au 12 août 2025)
Amortissement semestriel constant, avec un différé de 3 ans possible
Commission d’ouverture : 0,15 %
Commission d’engagement : 0,5 % sur les fonds non décaissés rapidement
Intérêts de retard : 3,5 %
Indemnités d’annulation : 2,5 % au-delà de 30 % annulés
Le coût en intérêts pour cette seule tranche est évalué à 23 milliards F CFP. En clair, chaque euro prêté aujourd’hui pèsera lourdement sur plusieurs générations calédoniennes.
Le versement se fera en deux temps :
221 millions d’euros (26,37 milliards F CFP), dont 21 millions redirigés vers le dispositif de solidarité, dès signature.
19 millions d’euros (2,27 milliards F CFP) supplémentaires, sous réserve que la Nouvelle-Calédonie respecte ses engagements jusqu’au 31 décembre 2025, notamment l’interdiction de réduire ses recettes ou d’alourdir ses dépenses.
La discipline française, dernier rempart
À fin 2025, la dette propre du territoire atteindra 360 % des recettes réelles de fonctionnement, un chiffre vertigineux, bien au-dessus du seuil prudentiel fixé par les bailleurs. Mais si l’on exclut les dettes exceptionnelles liées aux crises (Covid et émeutes de 2024), le ratio redescend à 53 %, un niveau jugé soutenable.
Ce constat révèle une vérité simple : sans les crises, la Nouvelle-Calédonie reste capable de tenir ses comptes. Mais face à des chocs répétés, elle dépend totalement du bouclier républicain de l’État français.
Le message de Paris est clair : la France aide, mais elle exige. Pas question de financer un modèle à bout de souffle sans contrepartie. Le prêt garanti par l’État n’est pas une faveur, mais une feuille de route vers la rigueur.
En ce sens, la réunion de la commission du 29 septembre ne sera pas un simple rendez-vous technique. Elle scellera un choix : assumer les réformes demandées par l’État, ou s’enfoncer dans l’impasse financière.
Car derrière chaque virgule de ce prêt, il y a une réalité implacable : la Nouvelle-Calédonie n’a plus le luxe de l’idéologie. Seule la rigueur permettra de rester debout.