Dans un territoire où chaque emploi compte, la Grande Brasserie de Nouvelle-Calédonie (GBNC) et ses filiales incarnent une industrie historique mais toujours en mouvement. Sa directrice Corporate Affairs, Marie-Amélie Molia, a rappelé le rôle central de l’entreprise, ses engagements sociétaux et environnementaux, mais aussi les défis d’un marché en contraction. Entre fierté locale et adaptation aux mutations globales, le message est clair : l’industrie calédonienne doit tenir bon et innover.
Une histoire industrielle centenaire et un ancrage local fort
La GBNC n’est pas qu’un acteur économique : c’est une institution. Née de la fusion en 1974 de deux brasseries locales, elle s’est imposée comme un pilier avec plus de 160 emplois directs et 230 collaborateurs au total via ses filiales (embouteillage et distribution).
Nous fabriquons 95 % de ce que nous distribuons sur le territoire
insiste sa représentante, rappelant que 700 fournisseurs locaux dépendent de cette activité. Chaque année, ce sont près de 5 milliards de FCFP injectés dans l’économie calédonienne.
Ce modèle n’est pas seulement productif : il est identitaire. Dans un marché dominé par les importations, GBNC revendique son ancrage calédonien et sa capacité à fédérer autour d’une filière 100 % locale.
Entre crise économique et fuite des compétences : une équation périlleuse
Comme beaucoup d’entreprises, la GBNC subit la contraction du marché liée à la baisse du pouvoir d’achat et aux départs massifs de résidents. Le phénomène du brain drain, cette fuite des compétences, pèse lourd.
Recruter est devenu un casse-tête, que ce soit dans la production, la maintenance ou les fonctions administratives
souligne MA Molia. À cela s’ajoutent les stigmates des émeutes passées, qui ont détruit l’intégralité des infrastructures de sa société de distribution. Malgré une reprise progressive, l’épreuve illustre la fragilité des acteurs industriels face aux secousses sociales.
Enfin, la pression réglementaire et fiscale reste un frein. Taxes sur l’alcool, sur le sucre, éco-participation : chaque nouvelle charge grignote la marge et limite les investissements.
Nous reportons certains projets à 2026, tout en préservant ceux liés à la qualité et à l’environnement
concède-t-elle.
Développement durable : des objectifs ambitieux mais tenus
Face à ces vents contraires, la GBNC fait du développement durable un levier de crédibilité. Son programme « Brew Better World » (Brassons un monde meilleur) fixe des cibles claires :
- –50 % d’émissions carbone atteints dès 2025,
- 100 % de décarbonation visée en 2030,
- 80 à 95 % de déchets déjà revalorisés, objectif 100 % en 2026.
Ces résultats, obtenus grâce au soutien de l’Agence calédonienne de l’énergie et de l’ADEME, témoignent d’une volonté d’aligner industrie et transition écologique.
Nous sommes fiers d’avoir déjà atteint des objectifs intermédiaires
souligne MA Molia. Mais l’effort ne s’arrête pas là : réduction du sucre dans les boissons, partenariats avec Caledoclean ou l’Association de prévention routière, sponsoring du nageur calédonien Maxime Grousset… la stratégie mêle responsabilité et image.
L’avenir : digitalisation et montée en compétences
Dans un contexte incertain, la GBNC affiche une orientation claire : investir dans l’humain et la technologie. Digitalisation des process, automatisation des tâches répétitives et mobilité internationale pour les collaborateurs sont au cœur de sa feuille de route.
Les collaborateurs sont l’avenir de l’entreprise
insiste MA Molia, qui défend des plans de développement personnel annuels et une égalité réelle au sein des équipes dirigeantes (50 % de femmes à la direction).
Cet accent sur la formation et la mobilité illustre une conviction : la survie de l’industrie calédonienne passera par sa capacité à monter en compétences et à retenir ses talents.
En rappelant l’histoire centenaire de la GBNC, sa résilience face aux crises et sa stratégie tournée vers la durabilité et l’humain, Marie-Amélie Molia envoie un message clair : l’industrie calédonienne peut tenir tête aux incertitudes, à condition d’innover et d’oser.
Il faut y aller, même si la visibilité manque
martèle-t-elle, appelant les jeunes entrepreneurs à la persévérance.
Plus qu’une brasserie, la GBNC apparaît comme un laboratoire de l’avenir économique calédonien : un modèle où tradition, responsabilité et adaptation se conjuguent.