Un an après les émeutes, le tourisme calédonien reste à genoux. L’archipel paie le prix fort d’un an d’insécurité et d’immobilisme politique.
Un secteur sinistré par un an d’insécurité
Un an après les exactions de mai 2024, la Nouvelle-Calédonie n’a toujours pas retrouvé son souffle. Selon les derniers chiffres de l’Isee, à peine 12 460 touristes ont foulé le sol calédonien au 2ᵉ trimestre 2025 — un niveau historiquement bas, le plus faible depuis trente ans hors période de Covid.
Le constat est sans appel : le territoire n’a retrouvé que 45 % de sa fréquentation record de 2023, et reste en recul de 11 % par rapport à 2024, pourtant déjà catastrophique.
Ce marasme n’est pas une fatalité climatique ou économique. Il découle directement du climat d’insécurité né des violences de 2024, qui ont paralysé le trafic aérien, vidé les hôtels et ruiné l’image internationale de l’archipel. À l’heure où les pays voisins – Australie, Fidji, Polynésie – renouent avec le tourisme de masse, la Calédonie reste figée.
Et les touristes étrangers, eux, ont tranché : l’île n’est plus perçue comme une destination sûre.
Les clientèles étrangères désertent, les Métropolitains maintiennent l’essentiel
Dans ce paysage sinistré, la clientèle métropolitaine assure l’essentiel de la survie du secteur, représentant 36 % des visiteurs au 2ᵉ trimestre 2025. Ce tourisme dit affinitaire – des familles venues retrouver leurs proches – est devenu le dernier pilier d’un marché effondré. Mais même ce socle recule : à peine 56 % du niveau de 2023.
Les marchés étrangers, eux, s’effondrent. moins 64 % d’Australiens, moins 86 % de Néo-Zélandais, moins 88 % de Japonais. Le Japon, jadis fidèle, a disparu du paysage depuis la suspension de la ligne Nouméa-Tokyo en septembre 2024.
Les gouvernements australien et néo-zélandais, dans leurs conseils aux voyageurs, appellent à la prudence face aux “troubles civils persistants”. Des avertissements qui pèsent lourd : tant que l’ordre ne sera pas solidement rétabli, le tourisme restera en berne.
Seules quelques clientèles régionales – Wallis-et-Futuna (+53 %) et Vanuatu (+27 %) – atténuent timidement la chute. Mais ces flux ne compensent en rien la désertion des grands marchés internationaux.
Croisières et affaires : un frémissement timide, mais pas de reprise
Seul point de lumière dans ce tableau noir : les croisières reprennent doucement. Entre avril et juin 2025, 45 830 croisiéristes ont fait escale dans le pays, deux fois plus qu’en 2024, mais encore 23 000 de moins qu’en 2023. Lifou concentre la majorité de cette activité, avec 31 000 passagers, symbole d’une île qui résiste mieux que la Grande Terre.
Pour le reste, la machine reste grippée. Les séjours motivés par les vacances reprennent un peu (35 % en juin 2025, contre 18 % un an plus tôt), mais le tourisme affinitaire domine encore (38 %). Les voyages professionnels et institutionnels progressent à 20 % des séjours, signe qu’une partie de l’économie continue d’avancer malgré tout.
Cette lente remontée reste fragile. Elle ne pourra s’ancrer durablement sans sécurité ni stabilité politique. Le tourisme ne redémarrera pas dans un climat de peur et de résignation. Ce que les chiffres traduisent, c’est l’échec d’un an de demi-mesures : ni stratégie claire, ni plan de relance structuré, ni campagne internationale crédible.
La Nouvelle-Calédonie est à la croisée des chemins. Le tourisme, miroir de la stabilité d’un pays, révèle aujourd’hui les fractures profondes du territoire. Les chiffres de l’Isee ne sont pas qu’un indicateur économique : ils sonnent comme un signal d’alarme national.
Tant que l’archipel restera perçu comme un terrain d’incertitude, les investisseurs, les compagnies aériennes et les croisiéristes choisiront d’autres horizons.
Les pays voisins ont fait le choix de la sécurité, de la discipline et du travail. La Calédonie, elle, doit choisir : retrouver la confiance par l’ordre ou s’enfermer dans le déclin.
Le tourisme calédonien ne renaîtra pas d’un simple slogan. Il exige une volonté politique ferme, une parole d’autorité et le courage d’assumer que la liberté sans sécurité n’attire ni touristes ni prospérité.