Le 18 octobre 1685, Louis XIV scelle l’unité religieuse du royaume en révoquant l’édit de Nantes. En un trait de plume, le Roi-Soleil efface près d’un siècle de coexistence forcée entre catholiques et protestants, au nom de l’unité nationale et de la foi.
Louis XIV, champion de la foi catholique
À l’automne 1685, le monarque le plus puissant d’Europe entend affirmer son autorité jusque dans les âmes. Depuis son avènement, Louis XIV veut incarner une monarchie de droit divin, garante de la paix intérieure et de la grandeur française. Or, pour lui, deux religions dans un même royaume, c’est une aberration : la France doit être « une foi, une loi, un roi ».
Sous l’influence de son entourage, Mme de Maintenon et le père La Chaise, le souverain se persuade que la coexistence religieuse fragilise la nation. Les huguenots sont perçus comme des sujets instables, tentés par les puissances étrangères protestantes. Dès lors, le roi décide d’en finir avec « l’hérésie » : fermetures de temples, conversions forcées, dragonnades dans les provinces. Les dragons du roi deviennent les bras armés d’une reconquête religieuse brutale, chargés de « ramener à la vraie foi » les protestants récalcitrants.
Louis XIV, persuadé du succès de ces méthodes, estime que la tolérance d’Henri IV n’a plus lieu d’être. En signant l’édit de Fontainebleau, il révoque solennellement l’édit de Nantes et fait de la France un royaume entièrement catholique.
Un royaume unifié mais appauvri
La mesure est accueillie avec enthousiasme par l’élite catholique et les intellectuels du Grand Siècle. Mme de Sévigné, La Fontaine ou encore La Bruyère y voient une œuvre de salut. Seul Vauban, esprit lucide et patriote, ose dénoncer une faute politique majeure. Car la répression s’accompagne d’un exode massif : près de 300 000 protestants fuient vers Genève, Berlin, Amsterdam ou Londres. Ces artisans, commerçants et intellectuels emportent avec eux leur savoir-faire, leur langue et leur esprit d’entreprise.
La France s’appauvrit, ses rivaux s’enrichissent. Les réfugiés huguenots contribuent à la prospérité de la Prusse, de la Suisse ou des Provinces-Unies. Le royaume, lui, se prive d’une partie de sa bourgeoisie laborieuse. Les Cévennes s’embrasent : les Camisards se soulèvent au début du XVIIIe siècle, ravivant les blessures d’une guerre civile religieuse que l’édit de Nantes avait précisément voulu apaiser.
Mais pour Louis XIV, cette unité religieuse reste le symbole de son autorité absolue. L’unité du trône et de l’autel prime sur les considérations économiques. La France, croit-il, doit briller avant tout par la pureté de sa foi.
Le prix de la grandeur et la leçon de l’histoire
Derrière cette décision se dessine la logique du Grand Siècle : l’ordre, la hiérarchie, la foi et le service de l’État. L’absolutisme n’est pas une tyrannie capricieuse, mais une vision d’unité nationale forgée dans la foi catholique. Le roi ne cherche pas la cruauté, mais la cohérence : dans son esprit, la tolérance religieuse est synonyme de division, donc de faiblesse.
Cependant, cette revendication d’unité religieuse a nourri, paradoxalement, les critiques du siècle des Lumières. En voulant imposer la foi, Louis XIV a révélé les limites du pouvoir absolu et offert à la philosophie une arme contre l’intolérance. Les Voltaire et Montesquieu y verront le symbole du fanatisme monarchique.
Aujourd’hui, trois siècles plus tard, l’édit de Fontainebleau reste un tournant fondateur : il rappelle la tension permanente entre foi et liberté, ordre et conscience. Si Louis XIV a commis une erreur politique, il l’a fait au nom d’une idée : la grandeur d’une France unie, forte, fidèle à son héritage spirituel.
La France de 1685, en imposant la foi catholique comme ciment du royaume, a choisi l’unité avant la diversité. Une décision que l’histoire jugera sévèrement, mais qui témoigne d’une époque où la foi, la monarchie et la nation ne faisaient qu’un.