Ils prêchent la rigueur, mais n’appliquent pas les règles : le sévère rappel à l’ordre de la Chambre territoriale des comptes.
La Chambre territoriale des comptes pointe les manquements répétés des institutions calédoniennes à ses recommandations, révélant des disparités criantes entre organismes publics.
La rigueur budgétaire à deux vitesses
La Chambre territoriale des comptes (CTC) a rendu un rapport sans complaisance. En analysant le suivi de ses recommandations émises en 2023, elle révèle une mise en œuvre globale de seulement 57 %. Un chiffre qui témoigne d’un territoire souvent prompt à promettre la transparence, mais lent à la mettre en oeuvre.
La Nouvelle-Calédonie fait figure de mauvais élève : à peine 36 % des recommandations fiscales appliquées, et aucune coordination claire entre directions. Une défaillance inquiétante lorsqu’il s’agit de gérer l’argent public. À l’inverse, l’Agence calédonienne de l’énergie (ACE) affiche une rigueur exemplaire, avec 92 % de recommandations suivies : un modèle d’efficacité et de gouvernance structurée.
Entre ces deux extrêmes, la province Nord obtient un score satisfaisant de 62 %, tandis que le GIP Union pour le handicap plafonne à 50 %. Ces écarts traduisent une inégalité de rigueur entre institutions censées œuvrer pour le même territoire. Le respect de la loi et des deniers publics ne devrait pourtant pas dépendre du bon vouloir de chaque direction.
Des institutions publiques encore trop opaques
Le rapport est clair : les trois quarts des rappels au droit concernent la gouvernance interne et l’organisation des services. Autrement dit, c’est l’appareil administratif lui-même qui dysfonctionne. La CTC souligne des retards de transmission des informations, des suivis incomplets, voire l’absence totale de reporting vers les conseils d’administration.
Là où certains organismes ont instauré un pilotage transparent et des outils de contrôle réguliers, d’autres semblent évoluer dans une culture du secret et de l’approximation.
Cette opacité empêche toute vision stratégique et nourrit une méfiance croissante de la population envers ses institutions.
La direction des services fiscaux fait figure d’exception : elle est la seule à avoir effectué un suivi détaillé des observations formulées par la Chambre. Mais pour le reste la gestion publique reste fragmentée, parfois improvisée, et trop souvent déconnectée des principes de responsabilité que la République exige.
Fraude, santé, attractivité : des alertes ignorées
La Chambre ne s’est pas limitée à constater. Elle a aussi rappelé ses alertes en matière de fraude sanitaire et fiscale, restées largement lettre morte. Dans un contexte où chaque franc public compte, le manque de réaction des autorités est difficilement défendable.
Sur le plan social, la CTC avait déjà alerté sur les failles dans la gestion sanitaire et sociale du pays. Moins de la moitié de ses recommandations ont été suivies. Le système de soins, déjà fragilisé, a encore été éprouvé par les émeutes de 2024, qui ont aggravé la désertification médicale.
Si la télémédecine et les mesures d’attractivité pour les professionnels de santé progressent timidement, elles ne suffisent pas à enrayer la dégradation de l’offre de soins.
Le rapport met aussi en lumière l’importance du rôle de la Chambre dans le débat public et l’ordre financier, notamment grâce à la médiatisation de ses travaux. En 2023, ses contrôles ont contribué à documenter les dérives, mais pas toujours à les corriger. Deux dossiers ont même été déférés au Parquet général près de la Cour des comptes, preuve que certains manquements relèvent désormais de la responsabilité pénale.
Pour la CTC, le constat est sans appel : la gestion publique calédonienne reste trop inégale. L’objectif de ses contrôles n’est pas de sanctionner, mais de restaurer la confiance dans la dépense publique. Ses recommandations visent à rationaliser la gouvernance, à garantir la soutenabilité des finances, et à assurer la qualité du service rendu aux citoyens.
Mais encore faut-il que ces recommandations soient suivies d’effet.
Car une administration qui n’applique pas les règles qu’elle prêche affaiblit l’autorité de l’État et l’efficacité des politiques publiques. Dans un territoire où chaque subvention, chaque programme, chaque réforme doit être justifiée, la responsabilité financière n’est pas une option : c’est une exigence démocratique.
La CTC appelle donc à un suivi renforcé et homogène de ses recommandations. Elle veut en finir avec la culture du « on verra » et rappeler une évidence : bien gérer, c’est respecter le contribuable.