Ils ont tenu face à l’impossible. Au cœur du désert, quelques milliers de Français libres ont résisté à Rommel et ouvert la voie à la première grande victoire alliée.
Le désert, théâtre d’un redressement militaire
À l’automne 1942, le vent tourne enfin dans une guerre qui semblait écrasée par la supériorité allemande. Depuis trois ans, la Wehrmacht imposait sa loi sur l’Europe et la Méditerranée, écrasant tout sur son passage. Mais en Égypte, à El-Alamein, l’élan allemand s’essouffle face à la ténacité britannique et à la contribution décisive des Forces français libres (FFI).
Au nord de l’Afrique, le général Erwin Rommel, « le Renard du désert », avait mené une guerre éclair d’une audace inédite. Soutenu par les Italiens, il fonce vers Alexandrie après avoir balayé la Cyrénaïque. Son objectif : atteindre le Nil et menacer le canal de Suez, artère vitale de l’Empire britannique.
Mais l’armée britannique, sous le commandement du général Bernard Montgomery, s’est ressaisie. En face, les effectifs sont presque égaux : 125 000 hommes et 740 chars côté allié, 113 000 hommes et 570 chars pour les forces de l’Axe. La différence se joue ailleurs dans la discipline, la logistique et la foi dans la victoire.
Rommel, pourtant stratège redoutable, est miné par le manque de ravitaillement. Ses convois sont interceptés par la Royal Navy. Ses chars manquent de carburant, ses troupes de munitions. C’est le moment que choisit Montgomery pour frapper. Le 23 octobre 1942, il lance son offensive. Rommel, malade, est à Berlin ; son remplaçant, le général Stumme, meurt en pleine bataille. Le désert bascule.
Bir Hakeim, la fierté française au cœur du sable
Bien avant El-Alamein, une poignée de Français libres a tenu tête à Rommel dans une bataille restée légendaire : Bir Hakeim. Entre mai et juin 1942, la 1re Brigade française libre (BFL) du général Koenig résiste héroïquement, encerclée, sous le feu des blindés allemands et des Stukas.
Leur mission : empêcher Rommel de contourner le dispositif allié. Leur effectif : 3 700 hommes. Leurs moyens : dérisoires face à l’Afrikakorps. Pourtant, pendant seize jours, ils tiennent.
Les Allemands, furieux, piétinent. Rommel lui-même reconnaîtra la bravoure de ces Français venus de partout : légionnaires, tirailleurs, marins du Pacifique, spahis, artilleurs. Leur résistance permet à Montgomery de réorganiser ses lignes. Bir Hakeim n’est pas qu’une bataille : c’est un symbole de la France qui se bat encore, une gifle à la résignation de Vichy.
Quand enfin Koenig ordonne la percée, les survivants rejoignent les lignes britanniques au terme d’une retraite héroïque. Ils ne sont pas vaincus.
Churchill le sait : sans Bir Hakeim, El-Alamein n’aurait pas été possible. Cette victoire préparée dans le sang et la poussière du désert porte la marque du courage français.
El-Alamein : la fin du mythe d’invincibilité allemande
Le 2 novembre 1942, Rommel comprend que tout est perdu. Ses lignes craquent, ses chars sont à court d’essence. Il demande à Hitler l’autorisation de se replier. Le Führer refuse :
Pas un pas en arrière ! .
Rommel désobéit. Il sauve ses hommes et recule vers la Tunisie.
Pour la première fois depuis 1939, l’armée allemande bat en retraite. Le mythe de l’invincibilité s’effondre.
Quelques jours plus tard, le 8 novembre, les Anglo-Américains débarquent au Maroc et en Algérie. L’étau se referme sur l’Axe en Afrique. L’année 1942 se clôt sur deux tournants majeurs : El-Alamein et Stalingrad. Deux revers qui annoncent la chute progressive du Reich.
À Londres, Churchill s’adresse à son peuple :
Ce n’est pas la fin. Ce n’est même pas le commencement de la fin. Mais c’est la fin du commencement.
L’Angleterre jubile, mais la France Libre peut, elle aussi, relever la tête. Car de Bir Hakeim à El-Alamein, ce sont bien les soldats de la France libre qui ont permis à la victoire de renaître dans le désert.
Sous la croix de Lorraine, ils ont prouvé que la France n’était pas morte, même loin de sa terre, même isolée, même oubliée.
El-Alamein n’est pas seulement une victoire britannique. C’est le triomphe du courage sur la fatalité, celui de l’honneur français sur la défaite de 1940. Dans les sables d’Égypte, la France Libre a écrit l’un des plus beaux chapitres de son redressement.
Ce 23 octobre 1942, au-delà des cartes et des blindés, un souffle nouveau parcourt l’Occident : celui du refus de plier de la volonté de vaincre. Et dans ce vent, on entend encore le cri des hommes de Bir Hakeim, la France debout.
