Dans le huis clos d’une prison parisienne, Gérald Darmanin a choisi d’assumer jusqu’au bout sa fidélité à celui qu’il appelle encore « le président ». Un geste rare, courageux pour certains, dérangeant pour d’autres, mais profondément politique.
La fidélité d’un homme d’État face à la tempête
C’est un geste fort, presque gaullien. En rendant visite à Nicolas Sarkozy, son mentor, à la prison de la Santé, Gérald Darmanin savait qu’il provoquerait une onde de choc. L’actuel ministre de la Justice n’a pas caché sa « tristesse » devant le sort de l’ancien chef de l’État, condamné à cinq ans de prison dans l’affaire libyenne.
Mais au-delà de l’émotion, le ministre a tenu à s’assurer des conditions de détention d’un ancien président de la République, une situation sans précédent dans l’histoire française.
J’ai beaucoup de tristesse pour le président Sarkozy, l’homme que je suis ne peut pas être insensible à la détresse d’un homme, a-t-il confié sur France Inter.
Des mots simples, humains mais qui ont déclenché la fureur d’une partie du corps judiciaire.
Car pour une trentaine d’avocats réunis dans un collectif, cette compassion constitue une « prise illégale d’intérêt ». Dans leur plainte déposée auprès de la Cour de justice de la République (CJR), ils estiment que le ministre aurait « pris position dans une entreprise dont il a un pouvoir d’administration ».
En clair, selon eux, Darmanin aurait franchi une ligne rouge entre amitié et impartialité.
Quand la morale prend le pas sur la raison
Pour ce collectif d’avocats, la loyauté du ministre envers Sarkozy serait moralement coupable. Leur argumentation repose sur une jurisprudence singulière : « l’intérêt » reproché au ministre pourrait être « moral ou amical ». Une lecture pour le moins extensive du droit.
Il ne fait pas de doute que cet intérêt est de nature à compromettre l’impartialité et l’objectivité de M. Darmanin, écrivent-ils.
Pourtant, aucune preuve d’intervention ou d’influence dans le dossier judiciaire n’a été relevée.
Dans les faits, le garde des Sceaux n’a fait qu’assumer son devoir de vigilance, rappelant que la sécurité d’un ancien président en prison relève de la responsabilité de son ministère.
S’assurer de la sécurité d’un ancien président de la République n’atteint en rien l’indépendance des magistrats, s’est-il défendu sur X (ex-Twitter).
Mais la machine judiciaire et médiatique s’est emballée. L’Union syndicale des magistrats, par la voix de son président Ludovic Friat, a dénoncé une visite « non ordinaire ».
L’ami a pris le pas sur le garde des Sceaux, a-t-il lâché sur franceinfo.
Une formule cinglante, symptomatique d’un climat où le soupçon l’emporte sur la présomption de loyauté.
Un procès de l’amitié ou un procès politique ?
Derrière cette plainte, c’est une certaine vision de la politique française qui se joue : celle d’une République qui ne pardonne plus ni la fidélité ni l’émotion. Gérald Darmanin, figure montante d’une droite républicaine assumée, se retrouve pris entre le marteau de la justice et l’enclume médiatique.
Les avocats affirment que ses « agissements » ont porté atteinte à « la confiance que les justiciables ont dans la justice ». Mais beaucoup y voient surtout une manœuvre politique visant à fragiliser un ministre qui ose afficher sa loyauté envers un ancien chef d’État.
Car la vraie question demeure : peut-on reprocher à un ministre d’être fidèle à celui qui l’a formé ?
Dans un monde politique souvent cynique, Darmanin incarne une rare constance. En soutenant Sarkozy, il ne défie pas la justice : il rappelle que la République n’est pas qu’une machine administrative, mais aussi une histoire d’hommes.
Et si cette visite dérange, c’est peut-être qu’elle révèle une vérité que certains préfèrent taire : la France a besoin d’hommes d’État capables d’assumer leurs fidélités, même dans la tourmente.















