Il suffit parfois d’une lettre pour abolir les océans. Le temps d’un spectacle, deux enfants séparés par 17 000 kilomètres se découvrent, s’écrivent, s’écoutent… et finissent par danser la même émotion. “Correspon-dance”, la nouvelle création de la compagnie L’Eau Salée, posera ses valises au Théâtre de l’île les 22 et 23 novembre à 18 h. Une proposition sensible, audacieuse, et résolument contemporaine, qui mêle théâtre, mouvement et musique pour raconter ce que les mots ne disent pas toujours : la curiosité, la différence, la rencontre.
La poésie d’une correspondance entre deux mondes
Ici, l’histoire est simple et universelle : Lilas, en Bretagne, et Pothin, à Nouméa, ont 11 ans. Ils s’écrivent, se racontent, découvrent leurs vies à travers l’écriture. Leurs lettres deviennent corps, voix et danse, dans une mise en scène sensorielle signée Marion Farcy, portée par Elsa Gilquin et Pascal “Pash” Teouri.
La metteuse en scène le confie :
Je veux que le jeune public entende, voie et ressente la correspondance
Ce parti pris donne à la pièce une dimension organique : l’échange n’est plus un texte, mais un souffle, un pas, un geste.
Inspirée de l’œuvre franco-québécoise Émile et Angèle, la pièce a été entièrement réécrite par Sosthène Desanges, figure incontournable de la scène calédonienne. Fini Paris et Montréal : place à Nouméa et la Bretagne.
La démarche n’est pas anodine. Entre Pacifique et Atlantique, entre cultures insulaires et continentales, “Correspon-dance” explore la distance sans la subir. Le texte devient un terrain de jeu pour deux enfants qui se ressemblent plus qu’ils ne le croient :
Deux solitudes qui finissent par se rejoindre
résume Marion Farcy.
Une mise en scène immersive et plurielle
Sur scène, la danse dialogue avec la parole. Les mots deviennent rythmes, les silences se traduisent en gestes. La scénographie signée Lucile Bodin installe deux espaces, séparés par un mur de boîtes aux lettres monté sur roulettes : frontière physique et passerelle symbolique à la fois.
Ce décor mouvant permet aux comédiens-danseurs de franchir « le quatrième mur » et de venir au contact du public. Le spectateur devient témoin d’un échange intime, presque complice.
À cette architecture sensible s’ajoute la bande-son de Julien Pierre, tissée d’ambiances marines, de rythmes bretons et de percussions océaniques. On y entend la pluie sur la tôle, le ressac du lagon, un accent breton perdu au vent… Un mélange qui, selon la metteuse en scène, « fait danser la géographie ».
L’ensemble, rehaussé par la lumière de Guillaume Borron, compose un spectacle de 40 minutes à la fois doux et vibrant, accessible dès 5 ans, qui touche aussi bien les enfants que les adultes.
Un théâtre pour relier, pas pour séparer
“Correspon-dance” s’inscrit dans la démarche chère à Marion Farcy : un théâtre jeunesse exigeant, capable d’interroger le monde sans jamais le simplifier. Après Mon prof est un troll et Le gros monstre qui aimait trop lire, elle poursuit son exploration des thèmes de la tolérance, de la curiosité et de l’émancipation.
La metteuse en scène le dit elle-même :
Je veux accompagner le jeune public dans ses questionnements
En cela, cette pièce est une ode à la découverte de l’autre – par la plume, par le corps, par le son.
Dans un monde où les écrans ont remplacé les lettres, “Correspon-dance” redonne du sens au mot “relation”. Elle rappelle qu’un lien, pour être vrai, doit se vivre, pas seulement se liker. À travers cette correspondance dansée, le spectacle questionne nos modes de communication : et si la danse redevenait le langage premier ?
Avec “Correspon-dance”, la compagnie L’Eau Salée signe une création pleine de grâce et d’intelligence. En mêlant le théâtre, la danse et la correspondance, elle offre au public calédonien une ode à la rencontre et à l’imaginaire.
Dans un territoire où la diversité culturelle est une richesse quotidienne, cette pièce vient rappeler que les distances ne sont que des prétextes : il suffit d’un mot, d’un geste ou d’une lettre pour bâtir un pont.
Alors, que vous ayez 5 ans ou 50, allez voir “Correspon-dance”. Parce que parfois, la plus belle des conversations se danse.















