Cantines catholiques fermées en NC : qui paie quoi, que dit la « 360 », et comment sortir du blocage ? Analyse sans langue de bois.
Derrière la fermeture des cantines, un malaise de gouvernance
La fermeture des cantines de l’enseignement catholique en Nouvelle-Calédonie a fait éclater au grand jour une crise financière et morale.
La DDEC accuse les collectivités de ne pas avoir versé leurs parts ; les institutions, elles, pointent un modèle déséquilibré, coûteux et peu transparent, où les familles deviennent les otages d’un bras de fer budgétaire.
Ce climat se tend encore davantage avec les révélations sur la gestion interne : des “parachutes dorés” estimés entre 50 et 60 millions F CFP auraient été versés à certains cadres dirigeants, et des salaires mensuels dépassant 2 millions F CFP auraient été maintenus au sein de la direction. Un contraste saisissant alors que les repas des élèves sont suspendus.
Un système d’enseignement privé massif mais sous tension
L’enseignement privé calédonien accueille près d’un quart des élèves du territoire : 12 116 élèves en 2023, dont près de 80 % dans le réseau catholique.
Parmi eux : 9 730 en Province Sud, 1 671 en Province Nord, et 715 dans les Îles.
Chaque jour, plus de 9 300 repas sont servis et plus de 800 internes accueillis.
Le réseau compte 513 agents, une soixantaine de services civiques et environ 1 100 enseignants payés par l’État.
Ce modèle repose sur un financement mixte, public-privé, où coexistent deux types de dépenses :
le forfait d’externat, financé par l’État ;
le forfait d’internat et de demi-pension, facultatif et historiquement financé par les provinces.
Entre 2015 et 2019, les subventions publiques ont chuté, notamment en Province Nord (- 40 %), tandis que la Province Sud maintenait ses engagements, devenant ainsi le premier financeur public du réseau catholique selon la Chambre territoriale des comptes.
Un cadre juridique clarifié, mais inégalement appliqué
Pour stabiliser le système, la délibération 360, portée par Isabelle Champmoreau et adoptée le 28 novembre 2023, a instauré une règle simple : un même coût par élève entre public et privé.
Elle répartit les charges :
communes : primaire,
provinces : collèges,
Gouvernement de la NC : lycées et internats.
Afin d’éviter un choc pour les communes, les provinces se sont engagées à se substituer temporairement à leur place : 100 % en 2024, 75 % en 2025, 50 % en 2026.
Des chiffres qui contredisent le discours de crise
Le 27 octobre, le directeur diocésain Manoël Van Aerschodt annonçait un déficit de 630 millions F CFP et menaçait de fermer les cantines.
Or, les chiffres montrent une autre réalité :
Province Sud :
• 258 millions CFP au titre des collèges,
• 362 millions CFP supplémentaires pour les écoles (100 % de la part communale) en 2024,
• 459 millions CFP prévus en 2025 (235 M + 224 M).Gouvernement de NC : part réglée pour les lycées et internats, plus 300 millions CFP additionnels votés le 30 octobre pour maintenir la restauration.
Provinces Nord et Îles : part obligatoire versée, mais refus de prendre le relais des communes.
Au total, la Province Sud a tenu et même dépassé ses obligations.
D’où vient alors le déficit ?
La moitié du déficit relève de la gestion interne de la DDEC :
369 millions F CFP d’avantages sociaux inscrits pour 2024 ;
574 millions F CFP de créances irrécouvrables ;
un ratio enseignants/élèves déséquilibré (1 550 agents pour 12 500 élèves contre 1 200 pour 17 000 dans le public).
Autant de signaux d’un déficit structurel de 300 millions F CFP, fruit de politiques internes coûteuses et d’une absence de pilotage rigoureux.
L’audit : dernier rempart avant la rupture
Face à cette situation, les collectivités exigent désormais un audit complet de la DDEC, condition à tout nouveau versement public.
L’objectif : garantir la traçabilité des fonds, vérifier la gestion des ressources humaines, renforcer la politique de recouvrement des impayés et ajuster le coût par élève fixé par le Gouvernement de NC.
Cet audit n’est pas une sanction, mais un outil de redressement : il doit permettre d’identifier les économies internes, d’encadrer les avantages sociaux et de restaurer la confiance.
L’argent doit suivre le repas servi
Les cantines ne sont pas un instrument de pression. Les collectivités ont payé, les enfants n’ont pas à subir.
« L’argent public doit suivre le repas servi, pas la cuisine fermée » : ce principe devient la ligne rouge.
La DDEC ne pourra pas se relever sans transparence. Aux institutions de maintenir la pression, et à la direction catholique de prouver qu’elle gère ses millions avec la même rigueur qu’elle réclame aux autres.
		














