Deux hommes face au désert, persuadés que la grandeur ne meurt jamais.
Une intuition, un escalier de pierre, et le monde bascule dans l’histoire.
Le jour où l’Histoire a changé dans un escalier de pierre
Le 5 novembre 1922, Howard Carter met au jour une dalle enfouie dans la Vallée des Rois. L’archéologue britannique, opiniâtre et méthodique, sait qu’il tient enfin la piste de la seule tombe royale encore inviolée. Immédiatement, il expédie un télégramme à son mécène, Lord Carnarvon, afin qu’il puisse assister à ce moment unique. Deux semaines plus tard, les deux hommes descendent les marches qui s’enfoncent dans la roche et découvrent des cartouches prouvant l’identité du défunt : Toutânkhamon, jeune souverain mort à seulement 18 ou 19 ans.
Son règne discret, presque effacé dans l’histoire tourmentée de l’Égypte du Nouvel Empire, n’avait jusque-là suscité que peu d’intérêt. Mais l’ironie du destin veut qu’il devienne, plus de 3300 ans après sa mort, le pharaon le plus célèbre du monde. La première salle visitée regorge d’objets de la vie quotidienne, de litières richement décorées, d’un trône d’or et d’œuvres d’un raffinement saisissant. Pourtant, Carter en est convaincu : l’essentiel demeure derrière les murs encore scellés.
Au printemps suivant, après avoir soigneusement inventorié ses premières découvertes, Carter perce un nouvel accès. Ce qui apparaît alors sous la lumière vacillante des lampes semble irréel : un coffre monumental, entièrement recouvert d’or, long de plus de cinq mètres. À l’intérieur, plusieurs sarcophages s’emboîtent, renfermant la momie du pharaon. L’archéologue prononcera alors l’une des phrases les plus célèbres de l’histoire de sa discipline : « de l’or, une montagne d’or ».
Contrairement à d’autres souverains comme Ramsès II, dont les momies avaient été arrachées à leurs tombeaux par les pillards avant d’être miraculeusement préservées par le climat sec, celle de Toutânkhamon a souffert. Les huiles sacrées, versées en quantité lors de l’embaumement, ont rongé les bandelettes et laissé peu de vestiges de son corps. Mais le trésor funéraire, lui, demeure intact.
Dix années pour libérer un trésor pharaonique
L’exploration minutieuse du tombeau va durer près de dix ans. Les cinq salles renferment plus de cinq mille objets, en or, en albâtre ou sertis de pierres précieuses. Parmi eux, les statuettes protectrices, les coffrets en bois laqué, les chars démontés, les statues du roi, les instruments rituels, et surtout le célèbre masque mortuaire, devenu l’icône absolue de l’Égypte antique.
Cette accumulation spectaculaire témoigne d’un savoir-faire inégalé et d’une maîtrise artistique exceptionnelle. Chaque pièce, même la plus modeste, raconte un pan du rituel funéraire et révèle l’importance accordée à la vie après la mort. Ce trésor, transporté au fil des années vers le Musée du Caire, reste aujourd’hui l’un des ensembles archéologiques les plus admirés au monde.
Dès les premiers jours de la découverte, savants, journalistes et curieux affluent en Égypte. La vallée, habituellement silencieuse, devient un théâtre mondialisé où reporters et experts se pressent pour obtenir des informations. Carter, méthodique, refuse de céder à la précipitation. Chaque objet est enregistré, dessiné, photographié, documenté avec une rigueur devenue aujourd’hui un modèle pour l’archéologie moderne.
La fin d’une légende : Carter, la tombe et la vérité historique
En 1939, soit dix-sept ans après la découverte, Howard Carter s’éteint à Londres. Sa mort naturelle met définitivement à mal le mythe tenace de la « malédiction des pharaons », alimenté par des récits sensationnalistes affirmant que les profanateurs mourraient mystérieusement après avoir pénétré dans les tombes royales. Carter, homme de science, n’avait jamais prêté la moindre attention à ces histoires.
Toutânkhamon, lui, avait été enterré plus de trois millénaires plus tôt dans l’une des soixante sépultures de la Vallée des Rois. Son corps, recouvert d’un masque d’or et protégé par trois sarcophages emboîtés, reposait à l’abri de quatre portes scellées. Les prêtres d’Amon avaient rempli la tombe de vivres, de meubles précieux et de bijoux destinés à l’accompagner dans le monde des morts. Leur œuvre, presque intacte, devint en 1922 un trésor pour la recherche historique.
Cette découverte, la plus importante du XXᵉ siècle en matière d’archéologie, a bouleversé notre compréhension de la royauté égyptienne. Elle a offert au monde un héritage scientifique inestimable, démontrant que la civilisation égyptienne, structurée, inventive et profondément attachée à ses rites, demeure l’un des piliers de notre mémoire collective.














