L’Outre-mer paie le prix fort de son isolement. Pendant que la métropole avance, les territoires insulaires attendent, freinés par la distance, la vie chère et un sentiment d’abandon.
Un rapport parlementaire tire la sonnette d’alarme et appelle à une véritable égalité de traitement entre la France des îles et celle de l’Hexagone.
Des Outre-mer à la marge d’une République à deux vitesses
Isolement, coût de la vie exorbitant, services publics inaccessibles, chômage massif : les territoires insulaires vivent loin, très loin, du confort de la métropole.
Selon un rapport parlementaire remis le 23 octobre 2025, la politique nationale de continuité territoriale (PNCT) ne suffit plus à corriger ces fractures.
Malgré les 369 millions d’euros (44,2 milliards de francs CFP) mobilisés en 2024, les habitants des îles françaises peinent toujours à se déplacer, à se former, à se soigner.
Les chiffres sont sans appel : le taux de pauvreté atteint 77 % à Mayotte, 52 % en Guyane et 34 % en Guadeloupe, alors que la moyenne nationale plafonne à 14,9 %.
Le chômage structurel touche plus d’un habitant sur trois dans certaines zones.
En parallèle, les prix des biens essentiels explosent, alimentés par les surcoûts d’importation et la faiblesse des liaisons.
À cela s’ajoute une inégalité de traitement difficile à justifier : l’État dépense 275 euros (33 000 francs CFP) par habitant pour la Corse, contre seulement 16 euros (1 920 francs CFP) pour les Outre-mer.
Un rapport de force qui en dit long sur la hiérarchie des priorités républicaines.
La fracture logistique et numérique, un fardeau économique
Si les aides à la mobilité progressent, la réalité demeure implacable : les infrastructures sont à la peine.
Dans le ciel, les prix des billets restent hors de portée pour nombre de familles.
Le rapport évoque la possibilité d’un plafonnement tarifaire pour les ultramarins, une mesure symbolique mais attendue.
Sur mer, la situation n’est guère meilleure : 13,9 millions de tonnes de marchandises transitent chaque année dans les ports ultramarins, mais la logistique reste obsolète.
Certains ports, comme celui de Dégrad-des-Cannes en Guyane, ne peuvent accueillir les grands navires modernes, obligeant des compagnies comme CMA CGM à construire des bateaux sur mesure un non-sens économique.
Pourtant, ces ports pourraient devenir de véritables pôles régionaux dynamiques, stimulant les échanges commerciaux et l’emploi local.
L’extension de l’aide au fret apparaît donc comme une arme stratégique contre la vie chère, à condition que l’État cesse de disperser ses efforts.
Le numérique, lui aussi, reste à deux vitesses. Si la couverture en très haut débit atteint désormais 79 % dans les Outre-mer contre 90 % dans l’Hexagone, le retard structurel demeure. Des zones entières restent à l’écart de la modernité.
Investir dans les infrastructures et la formation, c’est rendre la République accessible partout, pas seulement à Paris ou à Lyon.
Un appel à une véritable équité républicaine
Le rapport parlementaire ne se contente pas de dresser un constat : il avance dix-sept recommandations pour repenser la continuité territoriale autour de deux axes : faciliter la mobilité et renforcer les connexions.
Une ambition claire : offrir aux insulaires les mêmes droits qu’aux métropolitains, ni plus, ni moins.
Derrière les chiffres, c’est une question de justice territoriale et de souveraineté nationale.
Comment parler d’unité quand une partie de la France vit dans l’isolement administratif, logistique et social ?
Ces territoires, qu’ils s’appellent Nouvelle-Calédonie, La Réunion ou Guyane, ne demandent pas des privilèges, mais la reconnaissance d’un droit fondamental : celui d’être pleinement Français, avec les mêmes chances de mobilité, d’emploi et de prospérité.
L’heure n’est plus aux promesses.
Sans un réarmement des moyens de l’État et une vision claire du désenclavement, la fracture continuera de s’élargir.
La France des îles mérite mieux qu’une solidarité de façade : elle mérite une continuité réelle, visible, vécue.















